Au Coeur Du Troisième Reich
présence était absolument indispensable. Mais la perspective de discuter avec Fromm dequestions importantes touchant aux problèmes de l’armement après la réunion de la matinée qui serait probablement pénible me rebutait, et je refusai pour la seconde fois.
Mon exposé commença vers onze heures, dans la salle du ministère de la Propagande aménagée et décorée par Schinkel, que Goebbels avait mise à ma disposition. Deux cents personnes environ, tous les ministres présents à Berlin, tous les secrétaires d’État et les fonctionnaires importants étaient venus : le Tout-Berlin de la politique était rassemblé. Je commençai par lancer un appel pour que l’engagement du pays dans la guerre soit plus total, une exigence que je ne cessais pas de répéter et pouvais réciter presque automatiquement, puis, à l’aide de graphiques, je mis l’assistance au courant de la situation de notre armement.
A peu près au moment où je terminais mon exposé et tandis que Goebbels, le maître de maison, ajoutait quelques mots pour clore la séance, la bombe de Stauffenberg explosa à Rastenburg. Si les putschistes s’étaient montrés plus habiles, ils auraient eu la possibilité, avec cette réunion, de faire arrêter parallèlement à l’attentat la presque totalité des membres du gouvernement ainsi que les plus importants de leurs collaborateurs à l’aide de la figure légendaire du sous-lieutenant accompagné de ses dix hommes. Ne se doutant de rien, Goebbels nous fit passer, Funk et moi, dans son bureau. Nous nous entretenions, ainsi que nous le faisions constamment ces derniers temps, des occasions négligées et de celles qui nous restaient encore de mobiliser la patrie, lorsqu’un petit haut-parleur annonça : « M. le Ministre est réclamé d’urgence par le quartier général. A l’appareil, le D r Dietrich. » Goebbels intervint : « Faites relier avec mon bureau ! » Il alla vers sa table de travail, décrocha le combiné : « Docteur Dietrich ? Ici Goebbels… Quoi ? un attentat contre le Führer ? A l’instant ?… Le Führer est en vie, dites-vous ? Tiens ! Dans le baraquement de Speer. A-t-on des détails ?… Le Führer pense qu’il s’agit d’un ouvrier de l’organisation Todt ? » Dietrich, sans doute obligé d’être bref, interrompit la conversation. L’opération « Walkyrie » dont les conjurés avaient délibéré ouvertement depuis des mois, même avec Hitler, en la présentant comme un plan d’action destiné à mobiliser les réserves de la nation, avait commencé.
« Il ne manquait plus que cela ! » pensai-je immédiatement lorsque Goebbels nous rapporta ce qu’il avait entendu en reparlant des soupçons qui visaient les ouvriers de l’O.T. Si ces présomptions étaient vérifiées, mon prestige en souffrirait directement, car Bormann pourrait prendre prétexte de mes attributions pour ourdir de nouvelles intrigues et distiller son fiel. Goebbels était déjà indigné par ce que je ne pouvais lui donner aucun renseignement sur les mesures de contrôle auxquelles étaient soumis les ouvriers de l’O.T. choisis pour travailler à Rastenburg. Il se fit expliquer par moi que des centaines de travailleurs étaient admis à pénétrer chaque jour dans l’enceinte de sécurité n° 1, afin d’effectuer les travaux de consolidation du bunker de Hitler et que celui-ci travaillait pendant ce temps dans le baraquement construit pour moi puisqu’il était pourvu d’une grande salle de réunion et qu’il restait vide pendant mon absence. Dans ces conditions, déclara-t-il en hochant la tête devant tant d’insouciance, il n’avait pas dû être bien difficile de pénétrer dans le périmètre le mieux isolé et le mieux protégé du monde : « Quel sens peuvent bien avoir toutes les mesures de sécurité ? » lança-t-il à la cantonade, comme s’il s’adressait à un responsable invisible.
Peu de temps après Goebbels nous congédia. Nous étions tous les deux très occupés, même en un pareil moment, par la routine ministérielle. Il était déjà tard, lorsque j’arrivai chez moi pour déjeuner : le colonel Engel, l’ex-aide de camp de Hitler pour l’armée de terre, qui commandait maintenant une unité au front, m’attendait. J’étais curieux de savoir ce qu’il penserait d’un mémoire que j’avais rédigé plusieurs jours auparavant et dans lequel je réclamais la nomination d’un « vice-dictateur »,
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