Au Coeur Du Troisième Reich
obligatoirement de nouvelles complications avec l’armée de terre et aggraverait les tensions qui existaient déjà 12 . Ces considérations tactiques, fruits de la situation du moment, furent de courte durée. Quelques heures plus tard, la poursuite des officiers de l’armée de terre impliqués dans le putsch par les organes de la SS battait son plein.
Kaltenbrunner venait à peine de finir de me parler qu’une ombre majestueuse se détacha sur l’arrière-plan illuminé de la Bendlerstrasse. Tout seul, en grand uniforme, Fromm se dirigeait vers nous d’un pas lent. Je pris congé de Kaltenbrunner et de sa suite et, sortant de l’obscurité des arbres, j’allai à la rencontre de Fromm. « Le putsch est terminé, commença-t-il en se maîtrisant avec peine. Je viens de donner les ordres nécessaires à tous les commandements des régions militaires. J’ai été empêché pendant un certain temps d’exercer mon commandement sur l’armée de l’intérieur. On m’a carrément enfermé dans une pièce. Mon chef d’état-major, mes collaborateurs les plus proches ! » L’indignation, mais aussi l’inquiétude devinrent perceptibles lorsqu’il éleva la voix pour justifier l’exécution de son état-major, dont les membres venaient d’être fusillés : « En qualité de juge et de chef, j’étais obligé de tenir immédiatement un conseil de guerre pour juger tous ceux qui étaient impliqués dans le putsch. » A voix basse, il ajouta d’une voix torturée : « Le général Olbricht et mon chef d’état-major, le colonel von Stauffenberg, ne sont plus en vie. »
Fromm voulait tout de suite téléphoner à Hitler. C’est en vain que je le priai de passer d’abord à mon ministère, mais il insista pour voir Goebbels, bien que sachant aussi bien que moi que le ministre n’éprouvait qu’animosité et méfiance à son égard.
Dans la résidence de Goebbels, le commandant de la place de Berlin, le général Haase, était déjà arrêté. Fromm expliqua brièvement en ma présence les événements et demanda à Goebbels de lui permettre de téléphoner à Hitler. Mais au lieu de lui répondre, Goebbels pria Fromm d’aller dans une pièce à côté, puis il s’apprêta à téléphoner à Hitler. Lorsque la liaison fut établie, il me demanda de le laisser seul. Vingt minutes après environ, il apparut à la porte, appela une sentinelle et lui ordonna de se mettre en faction devant la pièce où se trouvait Fromm.
Il était déjà minuit lorsque Himmler, qui était resté introuvable jusqu’alors, arriva chez Goebbels. Sans en avoir été prié, il exposa longuement les raisons qui avaient justifié son éloignement 1 3 , en invoquant une règle qui avait fait ses preuves : lorsqu’on avait à combattre des soulèvements, il fallait toujours rester éloigné du centre de l’opération et engager les contre-offensives uniquement de l’extérieur. C’était de la tactique, Goebbels sembla accepter cette thèse. Il se montra d’excellente humeur et prit plaisir à montrer à Himmler, grâce à une description détaillée des événements, comment il avait maîtrisé pratiquement tout seul la situation : « Si seulement ils n’avaient pas été si maladroits ! Ils ont eu une chance unique ! Quels atouts ! Quel enfantillage ! Quand je pense à ce que j’aurais fait à leur place ! Pourquoi n’ont-ils pas occupé la Maison de la Radio et diffusé les mensonges les plus extravagants ! Ici, ils placent des sentinelles devant ma porte. Mais, sans s’occuper de rien, ils me laissent téléphoner avec le Führer et tout mobiliser ! Ils n’ont même pas coupé mon téléphone ! Avoir eu tant d’atouts entre les mains… Quels débutants ! » Ces militaires, poursuivit-il, s’étaienttrop fiés à la notion traditionnelle de l’obéissance, selon laquelle il va de soi que tout ordre est obéi par les officiers et les hommes de troupes subalternes. A elle seule, cette erreur avait causé l’échec du putsch. Car ils avaient oublié, ajouta-t-il non sans un sentiment de satisfaction curieusement dénué d’enthousiasme, que les Allemands avaient reçu au cours des dernières années une éducation politique grâce à l’État national-socialiste : « Il n’est plus possible aujourd’hui de les soumettre telles des marionnettes aux ordres d’une clique de généraux. » Goebbels s’arrêta subitement. Comme si ma présence le gênait, il dit : « J’ai
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