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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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Bendlerstrasse la liste du gouvernement prévu par les conjurés du 20 juillet. Vous y êtes porté comme ministre de l’Armement. » Il me demanda si j’étais au courant de cette fonction prévue pour moi et ce que j’en savais, mais il resta correct et ne se départit pas de son urbanité coutumière. Peut-être pris-je un visage si consterné en entendant ses déclarations qu’il me crut. Il renonça vite à obtenir des renseignements supplémentaires et tira un document de sa serviette : c’était l’organigramme du gouvernement qui devait être mis en place par le coup d’État  16  . Apparemment il avait été fait par un officier, car l’organisation de la Wehrmacht y était traitée avec un soin tout particulier. Un « Grand État-Major général » englobait les trois armes de la Wehrmacht. A cet état-major était subordonné le commandant en chef de l’armée de l’intérieur, qui était en même temps chef de l’armement et, dépendant de lui, au milieu des autres petites cases, je vis porté en lettres d’imprimerie : « Armement : Speer. » Un sceptique avait écrit au crayon la mention : « Si possible », suivie d’un point d’interrogation. Cet inconnu et le fait que je n’aie pas répondu le 20 juillet à l’invitation à déjeuner dans la Bendlerstrasse me tirèrent de ce mauvais pas. Curieusement, Hitler ne me demanda jamais de précisions à ce sujet.
    Naturellement je me suis demandé à l’époque ce que j’aurais fait, si le putsch du 20 juillet avait réussi et si on m’avait prié de continuer à exercer mes fonctions. Je l’aurais sans doute fait provisoirement, mais non sans me poser des questions. D’après tout ce que je sais aujourd’hui des personnalités et des motifs qui animaient la conspiration, une collaboration avec eux m’aurait délié de mon attachement à Hitler et m’aurait gagné à leur cause. Mais de ce fait, mon maintien au gouvernement aurait tout de suite été difficile, cela pour des raisons extérieures ; au plan intérieur, il aurait été impossible ; car tout jugement moral sur la nature du régime et sur ma position personnelle au sein de ce régime m’aurait obligatoirement amené à reconnaître qu’il ne m’était plus possible d’occuper un poste de direction en Allemagne après Hitler.
    L’après-midi du même jour, nous organisâmes, comme tous les ministères, une manifestation de fidélité au Führer dans notre salle de réunion en présence de mes principaux collaborateurs. Cette manifestation ne dura pas plus de vingt minutes. Mon discours fut le plus faible et le moins assuré que j’aie jamais prononcé. Alors que je m’appliquais d’habitude à éviter les formules consacrées, j’exprimai cette fois la grandeur de Hitler et notre confiance avec des accents exagérés et pour la première fois je conclus mon discours par un Sieg Heil ! retentissant. Jusqu’à présent je n’avais pas éprouvé le besoin d’employer de telles formules. Elles allaient contre mon tempérament et contre mon orgueil. Mais ce jour-là je me sentais mal à l’aise, j’avais le sentiment d’être compromis et malgré tout impliqué dans une procédure inextricable.
    Mes appréhensions n’étaient du reste pas sans fondement. Des bruits couraient qui annonçaient mon arrestation, d’autres affirmaient que j’avais déjà été exécuté, ces rumeurs prouvaient que l’opinion publique, qui continuait à s’exprimer clandestinement, jugeait ma position menacée 17  .
    Toutes mes inquiétudes furent dissipées lorsque Bormann me demanda de parler à nouveau de l’armement au cours d’un congrès qui réunit les Gauleiter le 3 août à Posen. L’assistance était encore sous le coup du 20 juillet ; mais bien que cette invitation m’eût réhabilité officiellement, je me heurtai dès le début à des marques glaciales de parti pris. Je me sentais seul au milieu des nombreux Gauleiter rassemblés. Rien ne peut mieux caractériser l’atmosphère dont je me sentis environné cet après-midi-là, que cette réflexion de Goebbels aux Gauleiter et aux Reichsleiter qui l’entouraient : « Maintenant nous savons enfin de quel côté se trouve Speer 18  . »
    C’est justement au mois de juillet 1944 que notre armement avait atteint son maximum. Pour ne pas provoquer à nouveau les dirigeants du parti et aggraver ma situation, je m’en tins prudemment à des considérations générales et je les gratifiai

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