Au Coeur Du Troisième Reich
Apprenant que le maréchal, accompagné de son seul aide de camp transportant un poste émetteur, s’était approché du front, Hitler échafauda toutes sortes de présomptions et bientôt il ne douta plus que Kluge se fût rendu en compagnie de son aide de camp vers un lieu prévu à l’avance, où des négociations devaient s’engager avec les alliés occidentaux pour envisager une capitulation de l’armée allemande du front ouest. Les pourparlers n’ayant pas eu lieu, Hitler affirma que seule une attaque aérienne avait interrompu le voyage du maréchal et avait déjoué ses intentions de trahir. Lorsque j’arrivai au quartier général, Kluge avait déjà été relevé de son poste par Hitler et avait reçu l’ordre de regagner le quartier général. En apprenant que le maréchal avait succombé à une crise cardiaque pendant le voyage, Hitler, invoquant sonsixième sens, avait ordonné à la Gestapo de faire procéder à une autopsie. L’autopsie ayant révélé que la mort avait été provoquée par du poison, Hitler triompha : maintenant il se disait parfaitement persuadé que les menées de Kluge relevaient de la trahison, bien que le maréchal lui eût écrit avant de mourir pour l’assurer de sa fidélité jusque dans la mort.
Durant ce séjour au quartier général de Rastenburg, je découvris, sur la grande table de cartes, dans le bunker de Hitler, les procès-verbaux des interrogatoires menés par Kaltenbrunner. Un aide de camp de Hitler qui était de mes amis me les donna à lire pendant deux nuits, car je ne me sentais pas encore rassuré. Beaucoup de points, qui auraient pu passer avant le 20 juillet pour des critiques justifiées, accablaient maintenant leurs auteurs. Pourtant aucune des personnes arrêtées n’avait fait de déclarations à mon sujet. Les putschistes s’étaient bornés à reprendre l’expression que j’avais forgée pour désigner les béni-oui-oui de l’entourage de Hitler : je les avais appelés les « ânes qui opinent du bonnet ».
Sur la même table, je vis ces jours-là une pile de photos. Perdu dans mes pensées, je les pris, mais les reposai sur-le-champ. Sur le dessus de la pile, j’avais aperçu un pendu en costume de détenu, une large écharpe multicolore fixée au pantalon. Un officier SS qui faisait partie de l’entourage de Hitler m’expliqua : « C’est Witzleben. Vous ne voulez pas regarder les autres ? Ce sont toutes des photos prises pendant les exécutions. » Le soir, le film de l’exécution des conjurés fut passé dans la salle de cinéma. Je ne pouvais ni ne voulais le voir. Pour ne pas attirer l’attention, je prétendis que j’étais surchargé de travail ; je vis un grand nombre de gens, pour la plupart de petits gradés SS et des civils, se rendre à cette séance ; mais pas un seul officier de la Wehrmacht.
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52 . Citation extraite d’une lettre de Hölderlin à Neuffer. (N.D.T.)
27.
Raz de marée à l’ouest
En proposant à Hitler, dans les premiers jours de juillet, de charger Goebbels de mobiliser le pays pour la guerre totale en remplacement du comité des trois totalement incapable, je ne pouvais prévoir que quelques semaines plus tard l’équilibre existant entre Goebbels et moi serait modifié à mon grand désavantage, parce que mon prestige aurait souffert de ce que j’avais été le candidat des conjurés. En outre, un nombre de plus en plus grand de dirigeants du parti soutenait que les échecs que nous avions connus jusqu’alors, devaient être imputés essentiellement à l’insuffisance du rôle joué par le parti. Pour eux, il aurait mieux valu que les généraux fussent issus des rangs du parti. Certains Gauleiter regrettaient ouvertement que la SA ait été en 1934 éliminée au profit de la Wehrmacht ; dans les efforts de Röhm pour former une armée populaire, ils voyaient maintenant une occasion manquée. Cette armée populaire aurait suscité un corps d’officiers formé à l’école du national-socialisme, dont l’absence leur semblait expliquer actuellement les défaites des dernières années. Le parti considérait qu’il était temps qu’il passe à l’action dans le secteur civil et qu’il étende son emprise sur l’État et sur nous tous avec fermeté et énergie.
Une semaine seulement après le congrès des Gauleiter à Posen, Tix, le directeur du comité principal « Armes », me déclara que « les Gauleiter, les chefs SA et les autres organes du parti »
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