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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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d’intervenir dans des querelles si impénétrables pour lui.
    Quelques heures plus tard, Bormann me pria de venir dans sa chancellerie, qui était située à quelques pas du bunker de Hitler. Il était en bras de chemise, les bretelles visibles sur son gros torse ; Goebbels, lui, était tiré à quatre épingles. En se référant au décret de Hitler du 25 juillet, il me déclara qu’il allait faire un usage illimité des pleins pouvoirs dont il disposait pour me donner des ordres. Bormann fit chorus : je devais me soumettre à Goebbels. De plus, il ne pouvait tolérer qu’on tente d’influencer Hitler directement. Il dirigea cette confrontation, qui devenait de plus en plus désagréable, avec une grande grossièreté, tandis que Goebbels écoutait d’un air menaçant et en intervenant par des remarques cyniques. Le droit à l’initiative que j’avais si souvent réclamé existait maintenant, mais, chose surprenante, c’était le tandem Goebbels-Bormann qui le détenait.
    Deux jours plus tard, Hitler, qui continuait à garder le silence sur les exigences que j’avais formulées par écrit, me donna à la vérité une nouvelle marque de sympathie en signant un appel que je venais de rédiger à l’intention des directeurs d’usines, et qui était au fond la confirmation de ce que j’avais réclamé dans ma lettre. Dans des conditions normales, cela aurait représenté une victoire sur Bormann et Goebbels. Mais à cette époque l’autorité de Hitler sur le parti n’était plus incontestée. Ses plus fidèles paladins passaient par-dessus ses décisions et ne se gênaient plus pour intervenir arbitrairement dans l’économie : c’étaient là les premiers signes manifestes de la décomposition qui commençait à ronger l’appareil du parti et le loyalisme de ses dirigeants. Le différend continua à s’envenimer, prit un tour de plus en plus violent et ne fit que confirmer ces symptômes 5  . Naturellement, Hitler n’était pas sans porter lui-même une part de responsabilité dans cet effritement de son autorité. Désorienté, il était pris entre les exigences de Goebbels, qui réclamait toujours plus de soldats, et ma volonté d’accroître la production d’armement. Il approuva tantôt l’un et tantôt l’autre, donna son accord à des ordres contradictoires, jusqu’au jour où les bombes et la progression des armées ennemies finirent par rendre totalement caduques l’une et l’autre de ces attitudes, puis notre différend lui-même, et pour finir, la question même de l’autorité de Hitler.
     
    Soumis à la fois à la pression des problèmes politiques et à celle de l’ennemi extérieur, j’éprouvais une détente chaque fois que je pouvais m’éloigner de Berlin. J’entrepris bientôt des voyages d’inspection au front de plus en plus prolongés. Certes, sur le plan technique, je ne pouvais plus rien pour améliorer les qualités de l’armement, car il n’était plus possible d’exploiter les expériences que j’accumulais. J’espérais toutefois pouvoir influer sur certaines décisions du quartier général grâce aux observations que je faisais ou aux informations que je recueillais auprès des chefs militaires.
    Mais mes rapports tant écrits qu’oraux demeuraient, lorsque j’essayais de donner une idée d’ensemble, sans retentissement durable. Un grand nombre de généraux du front, avec lesquels je pus m’entretenir, me demandèrent de leur faire envoyer des troupes fraîches pour infuser un sang neuf à leurs unités et de les équiper avec les armes et les blindés de notre production d’armement, encore importante. Hitler par contre et Himmler, promu commandant en chef de l’armée de l’intérieur, continuaient à penser, en dépit de tous les arguments, que les troupes refoulées par l’ennemi ne possédaient plus de résistance morale et qu’il était donc préférable de mettre sur pied en toute hâte de nouvelles unités, appelées divisions de Volksgrenadière. Les divisions défaites, il fallait les laisser, pour reprendre l’expression significative qu’ils employaient, « se faire saigner à blanc ».
    Je pus me rendre compte des résultats auxquels aboutissait l’application de ce principe à la fin septembre 1944, lors d’une inspection que j’effectuai dans une unité de la division blindée d’instruction de Bitburg. L’officier qui la commandait et qui avait derrière lui de longues années de guerre, me montra le champ de

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