Au Coeur Du Troisième Reich
qu’après le « putsch » de Röhm, la droite, représentée par le président du Reich, le ministre de la Justice et les généraux de la Wehrmacht, protégea Hitler. Certes, elle ignorait l’antisémitisme radical à la Hitler et méprisait même cette haine, dont les manifestations explosives sentaient trop son plébéien. Son conservatisme n’avait pas de base commune avec la folie raciste hitlérienne. En fait, la sympathie ostentatoire qu’elle témoigna à Hitler après son intervention, avait d’autres causes : l’assassinat organisé le 30 juin 1934 éliminait la puissante aile gauche du parti, principalement représentée dans la SA. Celle-ci s’était sentie frustrée des fruits de la révolution. Non sans raison. Car, venue à la révolution avant 1933, une majorité de ses membres avait pris au sérieux le prétendu programme socialiste de Hitler. A Wannsee, pendant ma courte période militante, j’avais pu observer combien le simple militant SA de base supportait toutes les pertes de temps, tous les risques et tous les sacrifices à la pensée d’obtenir un jour des contreparties substantielles et palpables. Ne voyant rien venir, ils accumulèrent une insatisfaction et un mécontentement dont la force explosive alla croissant. Il est même possible que l’intervention de Hitler ait effectivement empêché le déchaînement de cette « deuxième Révolution » que Röhm avait toujours à la bouche.
C’est avec de tels arguments que nous essayions de faire taire notre conscience. Moi-même et bien d’autres encore, nous nous précipitions sur des excuses et élevions ce qui, deux ans auparavant, nous eût encore irrités en norme de notre nouvel entourage. Nous faisions taire les doutes qui nous assaillaient. Aujourd’hui, avec le recul qu’impose le temps, je suis atterré par l’inconscience dont nous avons fait preuve ces années-là 2 .
Ces événements eurent pour conséquence immédiate de m’apporter une nouvelle commande. « Il faut, me dit Hitler, que vous transformiez le plus vite possible le palais Borsig. Je veux transférer la direction des SA de Munich à Berlin pour, à l’avenir, les avoir à proximité. Allez-y et commencez tout de suite. » Quand je lui fis remarquer que les services du vice-chancelier s’y trouvaient, il me répondit simplement : « Dites-leur de déménager tout de suite ! N’ayez pour eux aucun égard ! »
Chargé de cette mission, je me rendis au siège de Papen ; le directeur de son bureau ignorait naturellement tout de mon projet. On me proposa d’attendre quelques mois, jusqu’à ce qu’on trouve de nouveaux locaux et qu’on puisse les transformer. Lorsque je revins voir Hitler, il se mit dans une colère folle et, non seulement il réitéra l’ordre de déménagement, mais il m’ordonna de commencer les travaux sans m’occuper des fonctionnaires.
Papen restait invisible, les fonctionnaires de son service ne savaient plus quoi faire, mais me promirent que dans une ou deux semaines, les dossiers auraient été transportés, conformément aux instructions, dans un local provisoire. Devant cette situation, je fis venir les ouvriers, les fis entrer dans le bâtiment encore occupé et les encourageai à faire le plus de bruit et de poussière possible, en démolissant les stucs aux murs et aux plafonds. La poussière envahissait les bureaux en se glissant par les fentes des portes, et le bruit rendait tout travail impossible. Hitler trouva cela merveilleux et m’adressa des félicitations qu’il accompagna d’astuces sur les « fonctionnaires poussiéreux et empoussiérés ».
Vingt-quatre heures après, ils avaient déménagé. Dans l’une des pièces, je vis sur le sol une grande flaque de sang séché. C’était là que, le 30 juin, Herbert von Bose, l’un des collaborateurs de Papen, avait été tué d’un coup de revolver. Je détournai les yeux et évitai désormais cette pièce. Cela ne me toucha pas davantage.
Hindenburg mourut le 2 août. Le jour même, Hitler me chargea personnellement de prendre en main l’organisation des funérailles au mémorial de Tannenberg en Prusse-Orientale.
Je fis ériger dans la cour intérieure une tribune de bancs de bois et, renonçant aux drapeaux, me contentai de crêpe noir pendant le long des hautes tours qui flanquaient la cour intérieure. Himmler apparut pour quelques heures, entouré d’un état-major SS, se fit expliquer par les responsables les
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