Au Coeur Du Troisième Reich
enregistrer sur disque 1 . »
Dans la nuit, Kaufmann me conduisit au bunker qui abritait la direction technique de l’émetteur de Hambourg. Après avoir traversé des salles vides, nous arrivâmes dans une pièce plus petite, le studio d’enregistrement, où il me présenta deux techniciens qui, visiblement, étaient au courant de mes projets. En un éclair, je réalisai que, dans quelques minutes, je serais livré à ces étrangers. Pour en faire mes complices et ainsi assurer mes arrières, je leur dis, avant de commencer à lire mon discours, qu’ils pourraient à la fin décider eux-mêmes de leur attitude : en approuver le contenu ou détruire la matrice. Ensuite, je pris place devant le microphone pour lire mon manuscrit. Les techniciens restèrent muets. Peut-être étaient-ils effrayés et peut-être, en même temps, convaincus par ce qu’ils venaient d’entendre sans avoir de leur côté le courage de résister : en tout cas, ils ne firent aucune objection.
Kaufmann prit les enregistrements en dépôt. Je lui énumérai les circonstances dans lesquelles il pourrait les faire diffuser sans mon assentiment. Les conditions dont je fis état étaient caractéristiques des sentiments qui m’habitaient en ces journées-là : il y avait le cas où, sur l’initiative d’un de mes adversaires politiques, au nombre desquels je comptais tout particulièrement Bormann, je serais assassiné ; celui où Hitler, ayant eu vent de mes diverses entreprises, me ferait condamner à mort ; le cas où Hitler lui-même mourrait et son successeur continuerait sa politique désespérée de destruction.
Comme le général Heinrici avait l’intention de ne pas défendre Berlin, on devait compter qu’en quelques jours la ville serait prise et qu’ainsi tout serait fini. Et effectivement, le 22 avril déjà, comme me le rapportèrent le général SS Berger 2 et également, lors de mon dernier passage à Berlin, Eva Braun, Hitler voulut attenter à sa vie. Mais entre-temps Heinrici avait été remplacé par le général de parachutistes Student. Hitler considérait ce dernier comme l’un de ses généraux les plus énergiques et pensait pouvoir d’autant plus compter sur lui qu’il le tenait pour borné. Ce simple fait lui avait redonné du courage. En même temps, Keitel et Jodl avaient reçu l’ordre de ramener toutes les divisions disponibles sur Berlin.
Quant à moi, je n’avais à ce moment-là plus rien à faire puisqu’il n’y avait plus d’industrie d’armement. Mais, ballotté de tous côtés par une violente inquiétude intérieure, je ne connaissais ni trêve ni repos. Sans but ni raison, je décidai d’aller cette nuit-là revoir cette propriété de Wilsnack où ma famille et moi avions passé de nombreux week-ends. J’y rencontrai un collaborateur du D r Brandt ; il me raconta que le médecin de Hitler était gardé prisonnier dans une villa d’un des faubourgs ouest de Berlin. Il me décrivit l’endroit et m’en donna le numéro de téléphone, en m’assurant que les SS commis à sa garde étaient loin d’être intraitables. Nous réfléchîmes à la possibilité de libérer le D r Brandt en profitant de la pagaïe qui devait à cette heure régner à Berlin. Mais je voulais aussi revoir Lüschen et le convaincre de fuir à l’ouest sans attendre les Russes.
Ce furent là les raisons qui me poussèrent à décider de retourner à Berlin une dernière fois. Mais il est vraisemblable que, derrière ces motifs avoués, Hitler joua encore le rôle d’aimant. C’est lui que je voulais voir une dernière fois, c’est de lui que je voulais prendre congé. Car j’avais maintenant l’impression de m’être, deux jours auparavant, éclipsé à la dérobée. Est-ce ainsi que notre longue collaboration devait prendre fin ? Mois après mois, nous nous étions, des jours entiers, penchés, dans un esprit de camaraderie de collège ou presque, sur des plans conçus en commun. De nombreuses années durant, il nous avait, ma famille et moi, accueillis à l’Obersalzberg, se montrant un hôte affable et soucieux de notre bien-être. Le désir impératif de le revoir encoreune fois montrait combien mes sentiments étaient partagés. Car la raison me persuadait de la nécessité et de l’urgence de sa mort, même s’il était déjà trop tard. Tout ce que j’avais, ces deniers mois, entrepris contre lui venait du dessein que j’avais formé d’empêcher Hitler d’entraîner
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