Au Coeur Du Troisième Reich
et des fermes qui brûlaient, finissant lentement de se consumer. Toutefois, à la limite orientale de Berlin, perdue au loin dans la brume, on pouvait distinguer des colonnes de fumée plus importantes. Mais le grondement du moteur étouffait le bruit lointain du combat.
Nous atterrîmes à Gatow tandis que l’escadrille de chasse poursuivait son vol vers ses objectifs situés au sud de Potsdam. L’aérodrome était presque abandonné. Seul le général Christian, appartenant en tant que collaborateur du général Jodl à l’état-major de Hitler, se préparait à partir. Nous échangeâmes quelques paroles insignifiantes. Puis je grimpai, suivi de mon escorte, dans l’un des deux « Cigognes » prêts à décoller et, savourant le romantisme de cette équipée inutile, car nous aurions tout aussi bien pu y aller en voiture, nous rejoignîmes Berlin en survolant en rase-mottes l’axe est-ouest, que j’avais parcouru en compagnie de Hitler la veille de son cinquantième anniversaire. Juste avant d’arriver à la porte de Brandebourg, nous atterrîmes sur la large avenue, au grand étonnement des quelques rares voitures présentes. Nous arrêtâmes une voiture de l’armée pour nous faire conduire à la Chancellerie. Le temps avait passé et nous étions déjà en fin d’après-midi, car, pour parcourir les 150 kilomètres qui séparent Wilsnack de Berlin, nous avions mis plus de dix heures.
Je ne savais pas exactement quels risques comportait mon entrevue avec Hitler ; je ne savais pas si, pendant ces deux jours, un changement d’humeur était intervenu. Mais, en un certain sens, cela m’était égal. Certes, j’espérais que l’aventure se terminerait bien, mais j’aurais également admis qu’elle tourne mal.
La Chancellerie que j’avais construite sept ans auparavant était déjà prise sous le feu de l’artillerie lourde soviétique, mais elle avait encore été peu touchée. L’effet des obus paraissait insignifiant quand on observait le champ de ruines qu’avaient laissé derrière eux quelques bombardements, effectués de jour par l’aviation américaine ces dernières semaines. J’enjambai un enchevêtrement de poutres calcinées, traversai des pièces au plafond effondré et arrivai ainsi dans la pièce où, quelques années auparavant, nous traînions notre ennui à longueur de soirées, où Bismarck avait tenu ses réunions et où, maintenant, Schaub, l’aide de camp de Hitler, buvait du cognac en compagnie d’hommes qui m’étaient pour la plupart inconnus. Malgré mon coup de téléphone, on ne m’attendait plus, aussi fut-on surpris de mon retour. Schaub m’accueillit en me saluant avec cordialité. J’en conclus qu’on n’avait pas eu connaissance ici de l’enregistrement que j’avais fait à Hambourg. Il nous laissa pour aller annoncer mon arrivée. J’en profitai pour charger von Poser de découvrir, avec l’aide des standardistes de la Chancellerie, où se trouvait Lüschen et de lui demander de venir nous rejoindre.
De retour, l’aide de camp me dit : « Le Führer voudrait vous parler. » Combien de fois, ces dernières douze années, n’avais-je pas été introduit chez Hitler par cette formule stéréotypée ! Mais ce n’est pas à cela que je pensai en descendant les quelque cinquante marches, mais bien plutôt à mes chances de m’en sortir vivant. Le premier que je vis, en bas, fut Bormann. Venant à ma rencontre, il fut d’une politesse si inhabituelle que je me sentis en sécurité. Car les expressions de Bormann ou de Schaub avaient toujours été des signes certains de l’humeur de Hitler. « Si vous parlez au Führer, me dit-il d’un ton humble, il vous demandera certainement, si, d’après vous, il faut rester ici ou s’il faut rejoindre Berchtesgaden par avion ; il est grand temps qu’il prenne le commandement en Allemagne du Sud… Il ne nous reste que peu d’heures si nous voulons le faire… Vous allez le convaincre de partir, n’est-ce pas ? » S’il y en avait un pour tenir à sa vie dans le bunker, c’était manifestement Bormann, lui, qui, trois semaines auparavant, avait lancé un appel aux fonctionnaires du parti pour que, surmontant toutes leurs faiblesses, ils vainquent ou périssent 3 . Je lui répondis évasivement, savourant en face de cet homme presque suppliant un triomphe tardif.
On me mena ensuite chez Hitler. Il me reçut cette fois-ci sans cette émotion qu’il avait manifestée quelques semaines
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