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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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prisonniers grommelaient car ils espéraient à juste titre qu’on les libérerait après leur avoir soutiré toutes leurs connaissances. Nous eûmes même pendant quelques jours Werner von Braun et ses collaborateurs parmi nous. Les U.S.A. et l’Angleterre lui avaient fait, à lui et à son état-major, des propositions dont nous discutâmes ensemble. Même les Russes s’étaient entendus à lui faire parvenir clandestinement, par le personnel de cuisine, une proposition de contrat, alors qu’il était encore détenu dans le camp de Garmisch, pourtant sévèrement gardé. Pour le reste, nous combattions l’ennui en faisant du sport le matin de bonne heure et des séries de conférences scientifiques ; une fois, même, Schacht nous lut, en y mettant, à notre grand étonnement, beaucoup de sentiment, des poèmes. Nous mîmes également sur pied un cabaret hebdomadaire dont les sketches avaient toujours pour objet notre chute brutale et notre situation actuelle. Il nous arrivait d’en pleurer de rire.
     
    Un matin, juste après six heures, un de mes collaborateurs me réveilla brutalement pour me dire : « Je viens d’entendre à la radio que vous serez parmi les accusés du procès de Nuremberg ! » J’essayai de conserver mon calme, mais la nouvelle m’atteignait durement. Autant j’étais d’accord sur le principe qu’en tant qu’un des principaux dirigeants du régime, je devais payer pour ses fautes, autant j’eus d’abord de la difficulté à accepter la réalité. J’avais, non sans inquiétude, vu dans le journal des photos de l’intérieur de la prison de Nuremberg et lu depuis des semaines que des membres du gouvernement d’un rang élevé y avaient été transférés. Mais je n’avais pas fait le rapport. Tandis que Schacht, mon coaccusé, ne tardait pas à changer contre la prison de Nuremberg notre camp d’internement, si aimable en comparaison, il allait se passer des semaines avant qu’on vînt me chercher.
    Bien que cette nouvelle prouvât qu’une lourde accusation pesait sur moi, le personnel de garde du camp ne me manifesta aucune froideur. « Vous ne tarderez pas, me consolaient les Américains, à être acquitté et à oublier tout ça. » Le sergent Williams augmenta mes rations afin, disait-il, que j’aie de la force pour le procès. Le commandant du camp lui-même, un officier britannique, m’invita, le jour même où la nouvelle fut connue, à faire une promenade en voiture. Nous traversâmes tout seuls, sans escorte, les forêts du Taunus, nous nous étendîmes sous un gigantesque arbre fruitier, et nous nous promenâmes dans la forêt, tandis qu’il me racontait ses chasses à l’ours au Cachemire.
    C’étaient de belles journées de septembre. Vers la fin du mois, une jeep américaine passa le portail. C’était le commando qui venait me chercher. Le commandant commença par refuser de remettre son prisonnier et prit ses instructions à Francfort. Le sergent Williams me donna une provision considérable de gâteaux secs, me demandant sans cesse si j’avais encore besoin de prendre quelque chose dans son magasin. Quand je montai enfin dans la voiture, la communauté du camp presque tout entière était rassemblée dans la cour et je partis accompagné de tous ses vœux. Mais ce que je n’oublierai jamais, ce sont les bons yeux effrayés du colonnel britannique quand, sans mot dire, il prit congé de moi.

34.
    Nuremberg
    Le soir, on m’interna au camp de Oberursel, près de Francfort, dont la réputation était fort mauvaise. Le surveillant chef, un sergent américain, m’accueillit par des plaisanteries stupides qui se voulaient sarcastiques. Pour toute nourriture, j’eus droit à un maigre potage que j’agrémentai en croquant mes gâteaux secs anglais. Je songeais avec mélancolie aux belles journées de Kransberg. Dans la nuit, j’entendis les rudes appels des équipes de garde américaines, des réponses anxieuses, des cris. Le matin, un général allemand passa devant moi sous bonne garde ; son visage trahissait l’épuisement et le désespoir.
    Nous poursuivîmes enfin notre route dans un camion recouvert de bâches. Nous étions serrés les uns contre les autres. Parmi ces nouveaux compagnons, je reconnus le D r  Strölin, bourgmestre de Stuttgart, et le régent de Hongrie, Horthy. On ne nous communiqua pas le but de notre voyage mais il était évident : nous allions à Nuremberg. Nous n’arrivâmes à destination qu’à la nuit noire.

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