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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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ce document faisait état. Après l’avoir lu, je fus saisi d’un sentiment de désolation. Mais si les événements passés et le rôle que j’avais joué me plongèrent dans le désespoir, c’est ce désespoir même qui me permit de me tracer une ligne de conduite pour le procès : je devais tenir mon propre destin pour insignifiant, ne pas lutter pour ma propre vie, mais assumer la responsabilité dans un sens général. Malgré toutes les résistances de mon avocat, et la contention d’esprit due au procès, je ne revins pas sur cette décision.
    Encore sous l’impression de l’acte d’accusation, j’écrivis à ma femme : « Je dois considérer ma vie comme achevée. C’est à cette condition seulement que je pourrai en modeler la conclusion comme je le crois nécessaire… C’est en tant que ministre du Reich et non pas en personne privée que je dois paraître au banc des accusés. Je ne dois avoir d’égards ni pour vous ni pour moi. Je ne souhaite qu’une seule chose : être assez fort pour ne pas me départir de cette ligne de conduite. J’ai, pour aussi bizarre que cela paraisse, le cœur serein, quand je ne me soucie pas d’espérer, et perds de mon assurance et de ma quiétude dès que je crois avoir une chance de m’en tirer… Peut-être pourrai-je, par mon attitude, aider encore une fois le peuple allemand. Peut-être réussirai-je. Il n’y en a pas beaucoup ici qui y arriveront  2  . »
    Le psychologue de la prison, G. M. Gilbert, passa de cellule en cellule avec un exemplaire de l’acte d’accusation pour recueillir les commentaires des accusés ; après avoir lu les phrases, tantôt sarcastiques, tantôt évasives, de mes coïnculpés, j’écrivis au grand étonnement de Gilbert : « Ce procès est nécessaire. La responsabilité collective pour des crimes aussi horribles est un fait, même dans un État autoritaire. »
    Aujourd’hui encore, je considère que la plus grande manifestation de courage de ma vie fut de m’en tenir à cette conception tout au long des dix mois que dura le procès.
     
    En même temps que l’acte d’accusation, on nous avait remis une liste d’avocats allemands dans laquelle on pouvait choisir son défenseur, si on n’avait pas de proposition personnelle à faire. J’eus beau chercher dans ma mémoire, aucun nom d’avocat ne me revint et les noms de la liste ne me disaient rien non plus. Aussi demandai-je au tribunal de faire lui-même un choix. Quelques jours plus tard, on me conduisit au rez-de-chaussée du palais de justice. A l’une des tables, un petit homme fluet, portant de grosses lunettes, se leva. « C’est moi, me dit-il d’une voix douce, qui dois être votre avocat si vous êtes d’accord. Je suis le D r  Hans Flächsner, de Berlin. » Il avait un regard bienveillant et une attitude pleine de modestie. Quand nous nous mîmes à mentionner certains détails de l’accusation, il eut une manière sympathique de ne rien dramatiser. A la fin, il me tendit un formulaire en me disant : « Prenez ceci et réfléchissez bien si vous voulez m’avoir comme défenseur. » Je signai tout de suite et ne l’ai jamais regretté. Au cours du procès, Fläschner se montra plein de tact et de circonspection. Mais ce qui eut encore plus d’importance pour moi, ce fut la sympathie et la compassion qu’il témoigna à mon égard. Il en naquit d’ailleurs, au cours de ces dix mois que dura le procès, une authentique affection réciproque qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui.
    Pendant l’enquête préliminaire, les autorités qui avaient la charge de l’accusation avaient empêché les prisonniers de se réunir. Maintenant, on relâcha cette consigne, si bien que, non seulement nous descendîmes plus souvent dans la cour de la prison, mais qu’en plus nous pûmes nous entretenir à loisir. Procès, acte d’accusation, incompétence du tribunal international, profonde indignation devant cette ignominie, tels étaient les inévitables sujets et la sempiternelle argumentation des conversations que j’entendais au cours de nos promenades. Parmi les vingt et un accusés, je ne trouvai qu’un seul compagnon pour partager mon point de vue : Fritzsche. Avec lui, je pus m’étendre longuement sur le principe de la responsabilité. Plus tard, je trouvai quelque compréhension chez Seyss-Inquart également. Avec les autres, toute explication eût été une fatigue inutile. Nous ne parlions pas la même langue.
    Comme

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