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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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Dodd,l’adjoint du chef de l’accusation américaine. Ses questions, agressives et tranchantes, frappaient fort. Ne voulant pas me laisser démonter, je répondis, sans prendre en considération ma défense ultérieure, franchement et sans échappatoires. Je préférai plutôt ne pas évoquer maints faits qui auraient pu ressembler à une excuse. De retour dans ma cellule, je me dis : « Maintenant, tu es tombé dans le piège », et de fait, mes déclarations constituèrent une pièce importante du dossier de l’accusation.
    Mais en même temps cet interrogatoire me remonta. Je reste aujourd’hui persuadé que j’avais trouvé pour ce procès la ligne juste : n’user d’aucune échappatoire et ne pas épargner ma propre personne. Anxieux, mais ferme dans ma détermination de continuer comme j’avais commencé, j’attendis l’interrogatoire suivant qu’on m’avait déjà annoncé. Mais cet interrogatoire n’eut pas lieu, je n’ai jamais su pourquoi, peut-être avait-on été impressionné par ma franchise. Je dus simplement répondre encore aux questions que me posèrent des officiers russes, toujours corrects. Leur secrétaire, très fardée, ébranla le portrait de la femme soviétique que la propagande nationale-socialiste m’avait imposé. Après chaque réponse, les officiers faisaient un signe de tête en disant : « Tac, tac », ce qui sonnait curieusement mais correspondait à peu près, comme je le compris bientôt, à notre « Bien, bien ». Le colonel soviétique me posa une fois la question suivante : « Mais vous avez pourtant lu le livre de Hitler, Mein Kampf ?  » Or, je n’avais vraiment fait que le feuilleter, d’abord parce que Hitler lui-même avait déclaré qu’il était dépassé et aussi parce qu’il était difficile à lire. Je répondis donc que non, ce qui l’amusa prodigieusement. Vexé, je revins sur ma déclaration et affirmai avoir lu ce livre. En fin de compte, c’était la seule réponse vraisemblable. Mais, au procès, ce mensonge eut une conséquence inattendue. Lors de l’interrogatoire contradictoire, l’accusation soviétique produisit mon faux aveu. Alors, sous serment, je dus dire la vérité ; à savoir que, la fois précédente, j’avais menti.
     
    A la fin du mois d’octobre, tous les accusés furent transférés à l’étage du bas, tandis que simultanément on évacuait tous les prisonniers de l’aile cellulaire. Le silence devint lugubre. Vingt et un hommes attendaient l’ouverture de leur procès.
    C’est alors qu’apparut Rudolf Hess venant d’Angleterre. Dans un manteau gris bleu, entre deux soldats américains, attaché à eux par des menottes, il avait l’air absent et entêté en même temps. Des années durant, j’avais eu l’habitude de voir tous ces accusés faire leur entrée dans des uniformes splendides, inaccessibles ou pleins de jovialité. Le spectacle actuel me semblait parfaitement irréel. Parfois, je croyais rêver.
    Cependant, nous aussi nous comportions déjà comme des prisonniers. Lequel d’entre nous, qu’il ait été Reichsmarschall, Feldmarschall, grand amiral, ministre ou Reichsleiter, aurait pu penser qu’il se soumettrait un jour au test d’intelligence des psychologues de l’armée américaine ? Et pourtant, non seulement personne ne lit de difficultés, mais encore tout le monde s’efforça de faire la preuve de ses capacités.
    Ce fut Schacht le surprenant vainqueur de ce test qui faisait appel à la mémoire, à l’imagination et aux réflexes. Il fut victorieux, car l’âge donnait des points supplémentaires. Mais celui qui totalisa le plus grand nombre de points fut Seyss-Inquart, ce dont personne ne l’avait supposé capable. Göring aussi était dans les premiers. Moi, j’atteignis une bonne moyenne.
    Quelques jours après qu’on nous eut séparés du reste des prisonniers, une commission composée de plusieurs officiers pénétra dans notre bloc cellulaire où régnait un silence de mort, allant de cellule en cellule. J’entendais prononcer des phrases sans pouvoir en comprendre le sens. Puis la porte de ma cellule s’ouvrit à son tour. On me tendit sans plus de façon un acte d’accusation imprimé. L’enquête préliminaire était terminée, le véritable procès allait commencer. Dans ma naïveté, j’avais cru que chaque accusé aurait son propre acte d’accusation individuel. Or il se révélait que chacun de nous était accusé de tous les crimes monstrueux dont

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