Au Coeur Du Troisième Reich
caractéristique de son comportement envers moi. Après le déjeuner, il me le glissa dans la main en me disant : « Faites du bon travail. » Une interprétation généreuse de mon titre me conféra le rang de secrétaire d’État du gouvernement du Reich. A trente-deux ans, j’avais ma place au troisième rang du banc du gouvernement, près du D r Todt ; je pouvais dans des dîners officiels prendre place à l’extrémité de la table et recevais automatiquement de toutepersonnalité étrangère en visite officielle une distinction honorifique d’un rang déterminé. Mon salaire mensuel s’élevait à 1 500 marks, somme insignifiante comparée à mes honoraires d’architecte.
Dès le mois de février, Hitler convia sans plus de façons le ministre de l’Éducation à libérer le vénérable bâtiment de l’ « Académie des Arts », sur la Pariser Platz, pour faire place au G.B.I. 43 , comme on appelait mon organisme. Son choix s’était porté sur ce bâtiment parce qu’il pouvait y accéder sans être remarqué, en passant par les jardins des ministères séparant ce bâtiment de la Chancellerie. Il usa bientôt largement de cette possibilité.
La conception urbaniste de Hitler souffrait d’un grave défaut : elle n’était pas achevée. Il était tellement obnubilé par l’image de Champs-Élysées berlinois deux fois et demi plus longs que l’original parisien, qu’il en avait totalement perdu de vue la structure de cette ville de 4 millions d’habitants. Pour un urbaniste, une telle avenue ne pouvait avoir de sens et acquérir de fonction que comme noyau d’une restructuration urbaine. Pour Hitler, elle n’était au contraire qu’un ouvrage d’apparat ayant sa fin en lui-même. Du même coup, le problème ferroviaire de Berlin ne recevait aucune solution. L’espèce de coin géant que les voies ferrées enfonçaient dans la ville, la séparant en deux, n’avait été que déplacé de quelques kilomètres vers le sud.
Le planificateur en chef des chemins de fer impériaux, le D r Leibbrandt, alors directeur ministériel au ministère des Transports du Reich, vit dans les projets de Hitler la possibilité de réorganiser en grand tout le réseau ferroviaire de la capitale impériale. Ensemble, nous trouvâmes une solution peut-être idéale : en lui adjoignant deux voies supplémentaires, on augmenterait la capacité du chemin de fer de ceinture qui pourrait ainsi absorber le trafic des grandes lignes. On aurait alors pu construire sur cette ligne de ceinture qui, jusque-là, n’avait servi qu’au trafic urbain, deux gares de transit, l’une au nord, l’autre au sud, en remplacement des nombreuses têtes de ligne (gares de Lehrte, d’Anhalt, de Potsdam) désormais superflues. Nous estimions le coût de ces nouvelles installations ferroviaires à un ou deux milliards de marks 4 .
De cette manière, nous avions la possibilité de prolonger la nouvelle avenue vers le sud en suivant les anciennes voies ferrées et libérions au cœur de la ville, à 5 kilomètres de distance seulement, une immense surface capable de porter une nouvelle ville de 400 000 habitants 5 . Vers le nord également, la disparition de la gare de Lehrte permettait de poursuivre cet axe routier qui ouvrirait de nouveaux secteurs habitables. Il n’y avait qu’une chose à laquelle ni Hitler ni moi ne voulions renoncer, c’était, terminant l’avenue de prestige, le hall à coupole précédé de son immense place libre de tout trafic, n’ayant aucune fonction autre que d’apparat.
Ayant établi un axe nord-sud, il nous vint immédiatement à l’esprit d’utiliser la voie de dégagement existant déjà vers l’ouest, la Heerstrasse, large de 60 mètres, pour la prolonger vers l’est. L’élargissement de la Frankfurter Allee, effectué après 1945, a en partie réalisé ce projet. Tout comme l’axe nord-sud, cet axe aurait abouti à sa conclusion naturelle, l’autoroute périphérique. Il aurait alors ouvert de nouvelles zones d’urbanisation à l’est de Berlin ; nous aurions pu ainsi, malgré un assainissement simultané du centre de la ville, doubler la population de la capitale du Reich 6 .
De hauts immeubles de bureaux et de locaux commerciaux devaient encadrer ces deux axes. S’abaissant par degrés dans les deux directions, ils formaient des zones de constructions de plus en plus basses, relayées pour finir par des maisons individuelles, nichées dans la
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