Au Coeur Du Troisième Reich
fit dès ce moment partie des intimes de Hitler, devenant involontairement – lorsque Hitler était absent – l’objet de la risée générale, car il ne savait que parler de streptocoques et autres coques, de testicules de taureau et des dernières vitamines.
Au moindre ennui qu’ils avaient, Hitler recommandait à tous ses collaborateurs d’aller voir Morell. Lorsqu’on 1936, ma circulation et mon estomac se rebellèrent contre un rythme de travail déraisonnable et l’adaptation aux habitudes de vie anormales de Hitler, j’allai consulter Morell. Sur la porte de son cabinet, uneplaque annonçait : « D r Théo Morell. Maladies de la peau et maladies vénériennes. » Le cabinet et l’appartement de Morell étaient situés dans la partie la plus mondaine du Kurfürstendamm, près de la Gedächtniskirche. Dans son appartement on pouvait voir de nombreuses photographies dédicacées d’actrices et d’acteurs de cinéma. J’y rencontrai aussi le prince héritier. Après un examen superficiel, Morell me prescrivit ses bactéries intestinales, du glucose et des cachets de vitamines et d’hormones. Pour plus de sécurité, j’allai quelques jours plus tard me faire examiner à fond par un spécialiste des maladies internes de l’Université de Berlin, le professeur von Bergmann. Le résultat était net, je ne souffrais pas de troubles organiques, mais seulement de troubles nerveux causés par le surmenage. Je réduisis autant que je le pus mon rythme de travail et les troubles s’atténuèrent. Pour éviter de mettre Hitler de mauvaise humeur, je dis à qui voulait l’entendre que je suivais scrupuleusement les instructions de Morell et, comme j’allais mieux, je devins pour un temps la réclame vivante de Morell. Eva Braun alla, elle aussi, sur l’injonction de Hitler, se faire examiner par lui. Elle me raconta ensuite qu’il était sale à vous donner envie de vomir et m’assura, visiblement dégoûtée, qu’elle ne se laisserait pas soigner plus longtemps par Morell.
Hitler n’alla mieux que passagèrement, mais il ne voulut plus se séparer de son nouveau médecin ; au contraire, la maison que ce dernier possédait sur l’île de Schwanenwerder près de Berlin fut le but de visites toujours plus fréquentes de Hitler, qui venait y prendre le thé, et le seul prétexte qui l’attirât hors de la Chancellerie. Il lui arrivait aussi, mais très rarement, de rendre visite à Goebbels ; il ne vint chez moi, à Schlachtensee, qu’une seule fois, pour voir la maison que j’y avais fait construire.
Dès la fin de l’année 1937, le traitement de Morell commençant lui aussi à ne plus agir, Hitler avait recommencé à se plaindre comme par le passé. Quand il passait des commandes ou qu’il discutait d’un projet, il lui arrivait d’ajouter : « Je ne sais pas combien de temps j’ai à vivre. Peut-être la plupart de ces édifices ne seront-ils terminés que quand je ne serai plus 5 … » Or de nombreux édifices devaient être terminés entre 1945 et 1950. Hitler ne comptait donc plus que sur peu d’années. Ou il disait encore : « Quand je quitterai ces lieux… je n’ai plus beaucoup de temps devant moi 6 … » En petit comité aussi, son refrain favori devint : « Je ne vivrai plus longtemps. J’avais toujours pensé que je pourrais avoir du temps devant moi pour mes projets. Car je dois les réaliser moi-même. De tous mes successeurs, pas un n’a l’énergie suffisante pour surmonter les crises qu’ils vont sûrement provoquer. Je dois faire passer mes intentions dans les faits tant que ma santé, qui devient tous les jours plus mauvaise, m’en laissera la possibilité. »
Le 2 mai 1938, Hitler rédigea son testament personnel ; son testament politique, il l’avait déjà ouvert le 5 novembre 1937 en présence du ministre des Affaires étrangères et des chefs militaires du Reich, qualifiant ses projets de conquête de « legs testamentaire pour le cas de son décès 7 ». A ses intimes qui devaient, nuit après nuit, voir d’insignifiantes opérettes filmées et entendre d’interminables tirades sur l’Église catholique, les recettes de régime, les temples grecs et les chiens bergers allemands, il cachait à quel point il prenait à la lettre son rêve de domination mondiale. De nombreux anciens collaborateurs de Hitler ont essayé plus tard de faire croire à la théorie d’un changement intervenu chez Hitler au cours de l’année
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