Au Coeur Du Troisième Reich
chez M me von Neurath pour lui offrir d’agrandir la maison, aux frais de l’État. Elle me fit visiter sa demeure et conclut d’un ton ferme qu’à son avis et à l’avis de son mari, cette villa remplissait parfaitement sa fonction, qu’en conséquence je veuille bien remercier Hitler de cette offre, mais qu’elle la refusait. Ce refus indisposa Hitler, qui ne renouvela plus son offre. Cette fois-là, la vieille noblesse, montrant par sa modestie même qu’elle avait conscience de sa valeur, avait ouvertement pris ses distances vis-à-vis du besoin effréné d’apparat des nouveaux maîtres. Ce ne fut pas le cas de Ribbentrop, qui me fit venir à Londres durant l’été 1936 parce qu’il voulait agrandir et rénover l’ambassade d’Allemagne ; il voulait qu’elle fût prête pour les cérémonies du couronnement du roi George VI, fixées au printemps 1937, pour pouvoir, lors des mondanités prévisibles en pareille occasion, en imposer à la Society londonienne par le faste et le luxe de sa résidence. Ribbentrop avait laissé sa femme s’occuper des détails. Or, celle-ci, conseillée par un décorateur des « Ateliers réunis » de Munich, organisa une telle orgie architecturale que je me sentis bientôt superflu. L’attitude de Ribbentrop à mon égard fut toujours correcte. Pourtant, quand il recevait des télégrammes du ministre des Affaires étrangères, il se montrait de fort mauvaise humeur car il les considérait comme des immixtions dans ses affaires. Dans son irritation, il proclamait que Hitler lui avait confié cette mission londonienne à lui directement et que c’était à Hitler lui-même de définir sa ligne de conduite.
Un grand nombre de collaborateurs politiques de Hitler, souhaitant entretenir de bonnes relations avec l’Angleterre, semblaient mettre en doute, déjà à cette époque-là, la capacité de Ribbentrop dans la recherche d’une solution à ce problème. A l’automne 1937, le D r Todt alla avec Lord Wolton visiter les chantiers de l’autoroute. Il nous rapporta, au retour de ce voyage, que Lord Wolton avait exprimé le souhait, non officiel, de le voir envoyé comme ambassadeur à Londres à la place de Ribbentrop. Car Lord Wolton avait précisé qu’avec l’ambassadeur actuel, les relations entre les deux pays ne s’amélioreraient jamais. Nous veillâmes à ce que Hitler en entendît parler. Mais il n’y eut aucune réaction.
Peu après la nomination de Ribbentrop au poste de ministre des Affaires étrangères, Hitler lui offrit de démolir la villa du ministre des Affaires étrangères et de faire agrandir, pour lui servir de résidence de fonction, le palais occupé jusqu’alors par le président du Reich. Ribbentrop accepta l’offre.
Le deuxième événement de cette année-là à rendre sensible l’accélération croissante de la politique de Hitler, je le vécus le 9 mars 1938, dans le salon de la résidence de Hitler à Berlin. Schaub, l’aide de camp, écoutait à la radio le discours que le chancelier fédéral autrichien Schuschnigg prononçait à Innsbruck. Hitler s’était retiré dans son bureau privé au premier étage. Visiblement, Schaub attendait quelque chose de précis. Il prenait des notes, tandis que Schuschnigg, devenant de plus en plus clair, annonçait un référendum, par lequel, disait-il, le peuple autrichien devait se prononcer pour ou contre son indépendance et, pour finir, il lança à ses compatriotes dans leur parler autrichien : « Hommes, il est temps ! »
Pour Schaub aussi, il fut temps de se précipiter chez Hitler. Dans l’instant qui suivit, Goebbels, en habit de soirée, et Göring, en uniforme de gala, arrivèrent en toute hâte. Ils venaient d’un quelconque bal de la saison berlinoise et disparurent chez Hitler au premier étage.
C’est à nouveau par les journaux que j’appris au bout de quelques jours ce qui s’était passé. Le 13 mars, les troupes allemandes pénétraient en Autriche. Quelque trois semaines plus tard, je me rendis en auto à Vienne pour y préparer le hall de la gare du Nord-Ouest, où devait se tenir une grande manifestation. A chaque traversée de villes ou de villages, hommes et femmes saluaient de la main les voitures allemandes. A Vienne, je découvris brutalement, à l’hôtel « Impérial », le revers de la liesse de l’Anschluss. Il était moins reluisant. De nombreuses personnalités du « vieux Reich », comme par exemple, le président de la police
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