Au Coeur Du Troisième Reich
un mur infranchissable.
Selon Hess, il est vrai, il y aurait eu une exception : Dietrich Eckardt. Mais, au cours de notre discussion, nous découvrîmes que, là aussi, il s’agissait plus d’une vénération pour l’écrivain reconnu, surtout dans les milieux antisémites d’ailleurs, de surcroît son aîné, que d’une véritable amitié. A la mort de Dietrich Eckardt en 1923, quatre hommes continuèrent à employer avec Hitler le tutoiement de l’amitié : Esser, Christian Weber, Streicher et Röhm 6 . Pour le premier, Hitler profita, après 1933, de la première occasion qui s’offrit pour réemployer le « vous » ; le second, il l’évitait, le troisième, il le traitait de façon impersonnelle et il fit assassiner le quatrième. Même avec Eva Braun, il ne fut jamais totalement détendu et humain. La distance qui séparait le guide de la nation de la simple jeune fille ne fut jamais abolie. De temps à autre il s’adressait à elle avec une familiarité déplacée, et les expressions qu’il empruntait alors au langage des paysans bavarois caractérisaient bien les rapports qu’il avait avec elle.
Le caractère aventureux de sa vie, l’enjeu élevé de la partie qu’il jouait durent apparaître clairement à la conscience de Hitler en ce jour de novembre 1936 où il eut à l’Obersalzberg un long entretien avec le cardinal Faulhaber. Après cette entrevue, il vint s’asseoir devant la fenêtre en encorbellement de la salle à manger et resta seul avec moi tandis que le soir tombait. Après avoir longtemps regardé par la fenêtre sans rien dire, il me déclara d’un air pensif : « Il y a pour moi deux possibilités : aboutir dans mes projets ou échouer. Si j’aboutis, je serai un des plus grands hommes de l’histoire. Si j’échoue, je serai condamné, réprouvé et damné. »
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44 . Il s’agit du fameux « nid d’aigle ». (N.D.T.)
8.
La nouvelle Chancellerie du Reich
Pour que l’ascension d’un des « plus grands hommes de l’histoire » puisse se dérouler sur un fond à la mesure du personnage, Hitler exigeait maintenant un décor architectural de dimensions impériales. La Chancellerie du Reich où il avait emménagé le 30 janvier 1933 était, selon son expression, tout juste bonne pour des fabricants de savon. Ce n’était, en tout cas pas à son goût, le siège central du puissant Reich.
Fin janvier 1938, Hitler me convoqua officiellement et me reçut dans son cabinet de travail ; debout au milieu de la pièce, il me fit, d’un air solennel, la déclaration suivante : « J’ai pour vous un travail urgent. Je dois bientôt engager des pourparlers d’une extrême importance. Pour cela, j’ai besoin de grands salons et de grandes salles pour pouvoir en imposer aux potentats étrangers, surtout aux plus petits. Comme terrain, je vous donne la Voss-Strasse en entier. Le coût de l’opération m’est égal. Mais ça doit aller très vite et malgré cela être du solide. Combien de temps vous faut-il ? Plans, démolition, tout compris ? Un an et demi ou deux ans seraient déjà trop. Pourriez-vous être prêt pour le 10 janvier 1939 ? Je veux que la prochaine réception du corps diplomatique ait lieu dans la nouvelle Chancellerie. » L’entretien était terminé.
Les heures qui suivirent se déroulèrent comme Hitler le relata dans le discours qu’il fit à l’achèvement du gros œuvre : « Mon inspecteur général de la construction demanda quelques heures de réflexion et revint le soir pour me dire : au mois de mars, le tant, la démolition sera achevée, le 1 er août, le gros œuvre sera terminé et, le 9 janvier, mon Führer, je vous annoncerai, l’achèvement des travaux. Je suis moi-même de la partie, du bâtiment, et sais ce que cela signifie. On n’a encore jamais fait ça. C’est une performance unique 1 . » De fait, en acceptant ce travail, je commis l’acte le plus léger de ma carrière. Mais Hitler était satisfait.
On commença tout de suite à démolir les maisons de la Voss-Strasse pour dégager le chantier. On devait en même temps établir les plans pour déterminer l’aspect extérieur du bâtiment et son ordonnancement interne. On commença même à construire l’abri antiaérien d’après de simples croquis. Mais, même à un stade ultérieur, je fis commencer des parties entières sans avoir vraiment mené à bien les calculs nécessaires. Ainsi, par exemple, les immenses tapis, noués à la
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