Au Coeur Du Troisième Reich
berlinoise, le comteHelldorf, étaient accourues, manifestement attirées par l’abondance de marchandises dans les magasins. « Là, entendait-on, il y a encore du beau linge, là-bas des couvertures de laine autant qu’on en veut… J’ai découvert un magasin avec des liqueurs étrangères. » Ces bribes de conversations saisies dans le hall de l’hôtel m’écœuraient. Je me bornai à acheter un Borsalino. En quoi cela me concernait-il ?
Peu après l’Anschluss, Hitler se fit apporter une carte de l’Europe centrale et montra à ses intimes recueillis comment, maintenant, la Tchécoslovaquie était prise en tenaille. Des années après, Hitler soulignait encore combien le geste désintéressé de Mussolini, donnant son assentiment à l’entrée des troupes en Autriche, avait été le fait d’un grand homme d’État. Il lui en garderait toujours une grande reconnaissance, car, pour l’Italie, la solution d’une Autriche État-tampon neutre aurait été préférable. La présence de troupes allemandes au col du Brenner risquait à la longue de grever la vie politique intérieure romaine. Le voyage de Hitler en Italie en 1938 devait être en quelque sorte sa première marque de reconnaissance. Mais il se réjouissait aussi de découvrir les monuments et les trésors artistiques de Rome et de Florence. On lui soumit les uniformes d’un faste pompeux qu’on avait fait faire sur mesure pour son escorte. Il aima ce faste. La préférence qu’il accordait, dans sa mise, à des vêtements d’une sobriété marquée cachait un calcul relevant de la psychologie des masses. « Il faut, estimait-il, que mon entourage fasse majestueux. Alors ma simplicité frappera davantage. »
Environ un an plus tard, Hitler chargea le décorateur Benno von Arent, qui, jusqu’alors, avait fait des décors d’opéras et d’opérettes, de dessiner les nouveaux uniformes du corps diplomatique. Les habits recouverts de broderies dorées plurent à Hitler, tandis que des railleurs déclarèrent : « On se croirait dans La Chauve-souris ! ». Quant aux décorations pour lesquelles il avait dû également faire des maquettes, elles auraient, elles aussi, fait sensation sur n’importe quelle scène. Du coup, je surnommai Arent « le ferblantier du III e Reich ».
A son retour d’Italie, Hitler résuma ainsi ses impressions : « Heureusement que nous n’avons pas de monarchie et que je n’ai pas écouté ceux qui voulaient m’embobiner avec leur restauration. Vous auriez vu ces barrières à la cour, et cette étiquette ! Impensable ! Et le Duce toujours à l’arrière-plan ! A table, ou sur les tribunes, c’est toujours la famille royale qui avait les meilleures places. Le Duce, qui est pourtant le vrai représentant de l’État, venait loin derrière. » Hitler avait, comme chef d’État, le même rang que le roi. D’après le protocole, Mussolini n’avait que rang de Premier ministre.
Après son voyage en Italie, Hitler se sentit obligé d’honorer Mussolini de façon particulière. Il décida que la place Adolf-Hitler, à Berlin, porterait, après sa transformation dans le cadre de la restructuration urbaine, le nom de Mussolini 8 . Certes, il trouvait cette place affreuse sur le plan architectural, sous prétexte que des bâtiments modernes de l’ « époque du système 45 » la déparaient, mais, disait-il, « si cette place Adolf-Hitler, nous la rebaptisons place Mussolini, je suis d’abord débarrassé d’elle et je parais ensuite faire un grand honneur au Duce en lui cédant ma place. J’ai déjà dessiné moi-même l’ébauche d’un monument Mussolini. » On n’en arriva pas là, la transformation de la place ordonnée par Hitler n’ayant pas été réalisée.
La dramatique année 1938 aboutit à l’accord de Hitler et des puissances occidentales concernant la cession de grandes parties de la Tchécoslovaquie. Quelques semaines auparavant, Hitler avait, dans ses discours au Congrès de Nuremberg, joué au guide courroucé de sa nation, essayant, soutenu par les applaudissements frénétiques de ses partisans, de convaincre l’étranger aux écoutes qu’une guerre ne lui ferait pas peur. Avec le recul, je ne vois là qu’une énorme manœuvre d’intimidation dont il avait déjà, sur un champ plus réduit, expérimenté l’efficacité, au cours de son entrevue avec Schuschnigg. D’un autre côté, il aimait bien, par des déclarations d’intentions faites en
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