Au Coeur Du Troisième Reich
cette époque-là.
Le récit des aventures vécues pendant la Première Guerre mondiale tenait une grande place dans ces entretiens, car la majorité des convives avaient fait cette guerre. Pendant un temps, Hitler avait combattu face aux Anglais. Il disait les respecter pour leur bravoure et leur ténacité, même s’il se moquait de certaines de leurs manies. C’est ainsi, affirmait-il, qu’ils avaient l’habitude d’arrêter de tirer à l’heure du thé, si bien qu’à cette heure-là il pouvait porter ses messages en toute tranquillité.
Nous ne l’entendîmes jamais, en 1938, exprimer des idées de revanche à l’encontre des Français. Il ne voulait pas repartir en guerre contre eux, estimant que cette insignifiante bande de terrain que formait l’Alsace-Lorraine n’en valait pas la peine. En outre, selon lui, les Alsaciens, ayant perpétuellement changé de nationalité, étaient devenus si versatiles, qu’aucune des deux parties ne pouvait gagner à les récupérer. On n’avait donc qu’à les laisser où ils étaient. Bien entendu, Hitler partait alors de l’hypothèse que l’Allemagne pourrait s’étendre vers l’est. La bravoure des soldats français de la Première Guerre mondiale lui avait fait grosse impression, tandis qu’il jugeait leurs officiers efféminés, affirmant : « Avec des officiers allemands, les Français auraient une armée hors de pair. »
Bien qu’elle posât des problèmes du point de vue de la théorie raciale, Hitler ne rejetait pas vraiment l’alliance avec le Japon, mais réservait son attitude pour un avenir plus lointain. Chaque fois qu’il abordait ce thème, il laissait transparaître son regret d’avoir dû faire alliance avec ce qu’il appelait la race jaune. Mais il faisait taire ses scrupules en rappelant que l’Angleterre, elle aussi, avait fait appel aux Japonais contre les puissances de l’Europe centrale. Il plaçait d’ailleurs cet allié au rang des puissances mondiales, alors que pour l’Italie il n’en était pas tout à fait sûr.
Quant aux Américains, qui, selon lui, n’avaient pas joué un rôle de premier plan dans la guerre 1914-1918 et n’y avaient pas versé beaucoup de sang, ils ne pourraient certainement pas soutenir longtemps un gros effort, car ils n’étaient que de médiocres combattants. De toute manière, il n’existait pas de peuple américain uni et homogène ; ce n’était rien d’autre qu’une masse d’immigrants représentant un grand nombre de peuples et de races.
Fritz Wiedemann avait été jadis adjudant-major du régiment où servait Hitler, donc le supérieur hiérarchique de l’ancien fantassin de liaison ; Hitler l’avait nommé, sans aucun sens des convenances, son aide de camp. Or Wiedemann pressait son chef d’engager des pourparlers avec l’Amérique. Irrité par cette contradiction constante qui violait la loi non écrite de ses déjeuners, Hitler finit par l’envoyer comme consul général à San Francisco en déclarant : « Qu’il aille là-bas, il en reviendra avec des idées saines. »
Aucun des convives n’avait l’expérience du monde extérieur. Les hommes réunis là n’étaient pour la plupart jamais sortis d’Allemagne ; si l’un d’entre eux avait entrepris un jour un voyage d’agrément en Italie, on en parlait à table comme d’un événement, lui reconnaissant l’expérience de l’homme qui connaît le monde. Hitler lui-même n’avait rien vu du monde et n’avait ainsi acquis ni connaissances ni opinions personnelles. De surcroît, la culture des hommes politiques de son entourage était, en moyenne, d’un niveau assez peu élevé. Parmi les 50 Reichsleiter et Gauleiter, c’est-à-dire l’élite dirigeante du Reich, 10 seulement avaient terminé, diplômés, leurs études supérieures, quelques-uns les avaient abandonnées en cours de route, mais la plupart n’avaient pas dépassé le niveau de la troisième. Presque aucun d’eux ne s’était signalé, dans un quelconque domaine, par une quelconque production ; presque tous montraient une indifférence étonnante pour les choses de l’esprit. Leur niveau de culture ne répondait absolument pas à ce qu’on pouvait attendre de l’élite dirigeante d’un peuple au niveau intellectuel traditionnellement élevé. Hitler préférait au fond savoir que son entourage se composait de collaborateurs ayant la même origine que lui. C’est vraisemblablement parmi eux qu’il se sentait le plus à
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