Au Coeur Du Troisième Reich
Arc », haute de 80 mètres, on verrait se profiler à 5 kilomètres de là, dans les brumes de la grande ville, du moins nous l’imaginions ainsi, le second édifice triomphal de notre avenue, la plus grande salle de réunion du monde, surmontée d’un dôme et haute de 290 mètres.
Onze ministères isolés rompraient, entre l’Arc de Triomphe et la salle de réunion, la continuité de notre avenue. A côté des ministères de l’Intérieur, des Transports, de la Justice, de l’Économie et du Ravitaillement, il me fallut encore, après 1941 3 , prévoir un ministère des Colonies ; ainsi, Hitler n’avait nullement abandonné l’idée de posséder des colonies allemandes, même pendant la campagne de Russie. Cependant les ministres qui espéraient que nos plans permettraient une concentration de leurs services éparpillés dans Berlin furent déçus, lorsque Hitler décida que les nouveaux ministères serviraient surtout à des fins de représentation et non pas au fonctionnement de la machine administrative.
Tout de suite après la partie médiane, où l’aspect monumental dominait, l’avenue devait redevenir, sur un kilomètre de longueur, une rue consacrée au commerce et aux distractions, se terminant au croisement avec laPotsdamer Strasse par le « Rond-Point ». A partir de là et en remontant vers le nord, le caractère solennel prédominait à nouveau ; à droite se dressait le Mémorial du Soldat, gigantesque cube conçu par Wilhelm Kreis et dont Hitler n’avait jamais encore défini clairement la destination ; il est possible qu’il ait pensé en faire à la fois un arsenal et un monument aux morts. De toute façon, après l’armistice avec la France, il ordonna que le premier objet exposé soit le wagon-restaurant où avaient été scellés en 1918 la défaite de l’Allemagne et en 1940 l’effondrement de la France. Une crypte devait recevoir les cercueils des maréchaux allemands les plus célèbres, ceux du passé, du présent et de l’avenir 4 . Derrière le mémorial, s’étendaient jusqu’à la Bendlerstrasse les bâtiments qui devaient être le nouveau siège du haut commandement de l’armée 5 .
Étant venu voir ces plans, Göring eut le sentiment d’être traité en parent pauvre avec son ministère de l’Air. Il m’engagea alors comme architecte 6 . Nous trouvâmes en face du Mémorial du Soldat, en bordure du Jardin zoologique, un terrain idéal pour ce qu’il voulait. Les plans que je fis pour le nouvel édifice qui, après 1940, devait regrouper tous les services dont il assumait la direction et s’appeler le « Palais du Maréchal du Reich », enthousiasmèrent Göring. Hitler, quant à lui, déclara : « Göring a des prétentions excessives, cet édifice est trop vaste pour lui ; de toute façon je n’aime pas le voir engager ainsi mon architecte. « Mais, tout en exprimant fréquemment le mécontentement que lui causait le projet de Göring, il ne trouva jamais le courage de remettre à ce dernier à sa place. Connaissant bien Hitler, Göring me rassura : « Ne changez surtout rien à nos projets et ne vous inquiétez pas. Nous ferons ce que nous avons prévu et finalement le Führer sera enchanté. »
Hitler fit souvent preuve d’une semblable indulgence pour la vie privée de son entourage ; ainsi il ferma les yeux sur certains scandales conjugaux, jusqu’au moment toutefois où il put les exploiter à des fins politiques, comme ce fut le cas avec Blomberg. Il pouvait donc sourire de ce goût du faste montré par l’un de ses fidèles, faire à ce sujet, en petit comité, des remarques sarcastiques, sans pour autant donner à entendre à l’intéressé qu’il réprouvait son attitude.
Le projet pour l’édifice de Göring comportait de vastes suites d’escaliers, de halls et de salles qui occupaient plus d’espace que les pièces de travail proprement dites. Le centre de la partie destinée à la représentation devait être un hall fastueux, d’où partait un escalier de quatre étages que personne n’aurait jamais utilisé, car chacun aurait évidemment pris l’ascenseur. Tout cela n’était que pompe et ostentation ; dans mon évolution personnelle, c’était là un pas décisif par lequel je m’éloignais du néoclassicisme auquel j’avais aspiré et qu’on reconnaissait peut-être dans le style de la Chancellerie du Reich, pour me consacrer à une architecture d’apparat d’un goût tapageur. La Chronique
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