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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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chose quand on y réfléchit, vous ne trouvez pas ? Et après ça on dit que les Juifs ne sont pas courageux. Moi je vous le dis, j’ai eu l’occasion de connaître des Juifs extraordinaires. »
    « Je n’ai jamais entendu parler de ce conseil de Suchomel, a dit Richard. Mais la révolte était projetée dès novembre 1942. Il y avait très peu de gens au courant et moins encore faisaient partie du comité. Il était dirigé bien entendu par le chef de camp, Galewski et jusqu’au mois de mars, quand la catastrophe est arrivée, Zhelo Bloch en a été l’expert militaire.
    « La période entre fin octobre et début janvier avait été la période de pointe – c’était le moment où le maximum de convois arrivaient, quelquefois six par jour, soit 20 000 personnes. D’abord la plupart des Juifs de Varsovie ou de l’Ouest avec leurs richesses – par-dessus tout d’énormes quantités de nourriture, d’argent et de pierres précieuses. C’est incroyable tout ce que nous mangions et ce que nous mangions. Je me souviens d’un gamin de seize ans qui, quelques semaines après son arrivée, disait un soir qu’il n’avait jamais aussi bien vécu qu’à Treblinka. Vous voyez, c’est très, très différent de ce que les gens ont écrit là-dessus.
    « Nous ne portions pas d’uniformes rayés, nous n’étions pas immondes, couverts de poux, nous ne mourions pas de faim comme dans la plupart des camps de concentration. Mon propre groupe – les Tchèques et les “Juifs de marque” – était extrêmement bien habillé. Après tout, nous ne manquions pas de vêtements. Habituellement je portais des jodhpurs, une veste de velours, des bottines marron, une chemise, une cravate de soie et, quand il faisait froid, un pull-over. Durant les mois chauds, je portais un pantalon léger, une chemise et le soir une veste. Je cirais mes bottes une ou deux fois par jour jusqu’à ce qu’elles soient comme des miroirs. Je changeais de chemise chaque jour et bien entendu de sous-vêtements.
    « Nous n’avions pas de poux de corps, mais il y avait de la vermine, bien sûr, dans toutes les baraques. C’était inévitable avec tout ce qu’apportaient les convois. J’ai porté un pyjama deux ou trois nuits et il était plein de taches de sang parce que j’avais tué des punaises qui couraient sur nous la nuit et je me suis dit : “Demain, il faut que j’en mette un autre ; espérons qu’il y en aura en soie ; il doit être encore en route.” Ça semble terrible n’est-ce pas ? Voilà comment nous étions devenus. Nous étions très attentifs à notre apparence ; c’était d’une importance capitale de paraître propre à l’appel. On pensait tout le temps à de petites choses, du genre : “il faut que je me rase ; si je me rase de nouveau, j’aurai gagné encore un round.” J’avais toujours sur moi un petit fourbi pour me raser. Je l’ai encore. Je me suis rasé jusqu’à sept fois par jour. Et cependant, c’était une des incertitudes les plus torturantes ; on ne pouvait jamais, savoir comment tournerait l’humeur des Allemands – si on était vu en train de se raser ou de cirer ses bottes, est-ce qu’on n’allait pas se faire tuer. C’était une incroyable roulette tous les jours ; vous voyez, tel SS pouvait considérer qu’un homme qui se soignait de cette façon “se faisait remarquer” – péché capital – mais tel autre, non.
    « Le fait d’être propre servait toujours à quelque chose – cela leur inspirait une sorte de respect. Mais être vu en train de s’y employer pouvait passer pour de la pose ou de la flagornerie, et provoquer une punition ou la mort. Finalement, nous avions compris que l’idéal en fait de sécurité consistait à ressembler beaucoup – mais pas trop – aux SS eux-mêmes. La signification allait même au-delà de la question de “sécurité”.
    « Au début de l’hiver l’immense afflux des convois venant de l’est a commencé. Les Juifs polonais, c’était un monde différent. Ils étaient sales. Ils ne savaient rien. Il était impossible de ressentir à leur égard la moindre compassion, la moindre solidarité. Bien sûr, je ne parle pas des intellectuels de Varsovie ou de Cracovie ; ceux-là n’étaient, en aucune façon, différents de nous. Je parle des Juifs de Biélorussie ou de ceux de l’extrémité orientale de la Pologne. »

7
    Les esclaves juifs haïssaient leurs maîtres geôliers du fond de l’âme. Et

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