Au Fond Des Ténèbres
l’admission en Palestine, par l’annulation des dispositions du White Paper de mai 1939 ; des pressions sur les pays satellites de l’Allemagne et des appels tant auprès du peuple ennemi que des peuples des pays occupés par l’ennemi ; l’étude de possibilités d’échanges des civils internés pour leurs sympathies envers les pays de l’Axe contre les Juifs et d’autres victimes possibles des nazis ; et l’établissement de camps de réfugiés en des endroits éloignés. Le point douze affirmait le principe que, quoi que puissent faire ou ne pas faire d’autres nations, « l’effort britannique pour la sauvegarde devait être le plus rapide et le plus généreux possible sans pour autant retarder la victoire ».
C’est sur ce dernier point que répliqua principalement le gouvernement, par l’intermédiaire de Mr. Peake, sous-secrétaire d’État au ministère de l’Intérieur, et de Mr. Anthony Eden, secrétaire d’État aux Affaires étrangères. « Dans les circonstances présentes, dirent-ils, seules étaient possibles les tentatives de sauvetage les plus limitées. Presque tout ce que le gouvernement avait entrepris – y compris le sauvetage d’enfants qui pouvaient obtenir un visa pour la Palestine – avait échoué devant la détermination allemande de bloquer de telles tentatives. La seule solution – le seul but à viser – était la victoire militaire des Alliés. »
Une semaine avant ce débat, le gouvernement suédois avait consenti à demander à l’Allemagne la libération de 20 000 enfants juifs qui auraient été pris en charge par la Suède jusqu’à la fin de la guerre, les frais médicaux et de nourriture étant réglés par l’Angleterre et les États-Unis. La guerre finie, ils devaient être envoyés en Palestine ou dans tout autre asile. Le Foreign Office avait fait savoir qu’il était d’accord avec cette proposition le 19 mai, jour du débat sus-mentionné et l’avait transmise au Département d’État.
Le même débat ou presque que celui de la Chambre des Communes faisait fureur en Amérique depuis des mois. Là aussi les requêtes désespérées d’innombrables personnalités chrétiennes et juives, laissaient impavide le Département d’État qui avait le contrôle de la délivrance des visas sauveurs. Pour une foule de raisons politiques et sentimentales, le gouvernement américain – peut-être encore plus que le gouvernement britannique – redoutait d’avoir l’air de faire « une guerre pour les Juifs ». En 1940, quand la Grande-Bretagne était restée seule après la chute de la France, il n’avait fallu que huit jours au Département d’État, du 6 au 14 juillet, pour prendre la décision d’admettre aux États-Unis 10 000 enfants anglais avec de simples visas de tourisme, sans autre régularisation. Mais la proposition suédoise ne reçut aucune réponse de Washington pendant cinq mois. Puis, le 11 octobre, le Département d’État suggéra que le projet ne soit pas limité aux enfants juifs et qu’il passe par le Comité intergouvernemental pour les réfugiés (organisme particulièrement inefficace). Les Anglais reprirent hâtivement le projet pour y inclure quelques enfants norvégiens. Le plan remodifié finit par atteindre les Suédois en janvier 1944, mais à ce moment-là la Suède avait plus ou moins brûlé ses vaisseaux avec l’Allemagne en accueillant beaucoup de Danois et de Norvégiens. Et le plan fut abandonné.
On peut se demander, bien sûr, si les Allemands auraient souscrit à un tel projet – ils avaient déjà refusé le transfert d’enfants norvégiens en Suède. Mais la position de la Suède était indéniablement « spéciale » (« C’est de là qu’ils avaient l’acier », avait dit Stangl) ; il est peu probable qu’ils auraient laissé partir 20 000 enfants et probablement aucun de l’Est. Mais quelques-uns au moins auraient pu être sauvés, de quelques pays de l’Ouest. Ce qui est certain, c’est que durant les huit mois que l’on mit à tuer le plan, beaucoup plus de 20 000 enfants avaient été massacrés à Treblinka et ailleurs.
Le 12 mai 1943, à Londres, Smul Zygielbojm se suicida en signe de protestation. Dans une note d’adieu adressée au président et au premier ministre du gouvernement polonais en exil, il écrivait : « Je souhaite, par ma mort, émettre mon ultime protestation contre la passivité avec laquelle le monde contemple et permet
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