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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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cachés dans la chambre. Peu de temps après mon arrivée, ils n’ont plus eu d’argent. Alors elle les a vendus à la Gestapo pour 100 zlotys chacun. » Après la libération, il a signalé aux autorités qu’elle avait dénoncé des Polonais à la Gestapo. « J’ai seulement dit Polonais ; si j’avais dit des Juifs, ils s’en seraient moqués. Mais comme ça, ils se sont occupés d’elle, a-t-il ajouté, moi je n’avais rien à faire avec. »
    « Tout avait été prévu avec soin, dit Richard Glazar, mais aucun plan n’a servi à rien dans cette confusion fantastique, réellement indescriptible. Finalement, aucun d’entre nous ne savait où aller, dans quelle direction. Tout ce que nous savions, c’était qu’il fallait se sauver… » (« Nous avons escaladé les barrages antichars autour du camp, a déclaré Charles [Karel] Unger dans son témoignage au procès, et nous sommes arrivés devant un marais. Nous avons marché dans l’eau et pataugé là pendant des heures, nos têtes seules dépassaient. Pendant que nous étions là dans l’eau, nous entendions les patrouilles et les chiens, les voitures, les jeeps… »)
    Richard et Karel devaient passer deux ans comme travailleurs étrangers en Allemagne. Ils ont poursuivi leur route à travers la Pologne jusqu’en Tchécoslovaquie puis à Mannheim où ils ont vécu au milieu des Allemands et travaillé dans une usine allemande. Richard se revoyait « assis dans un foutu cinéma allemand, en train de voir Baron Münchhausen avec Hans Albers. C’était grotesque, complètement grotesque après Treblinka. Ça nous rendait comme fous ».
    Leur folie se traduisait par de la témérité ; ils faisaient « des pieds de nez » aux Allemands, s’amusaient à les provoquer, riaient bruyamment en public à l’annonce des défaites militaires, se promenaient dans les rues avec un sourire épanoui pendant les alertes aériennes. Une fois, par une ironie réellement confondante, le service d’accueil de Mannheim leur a offert des manteaux tirés sous leurs yeux d’un paquet qui portait la mention effroyablement familière « ballots enveloppés dans des draps ». « Nous avons cru devenir fous », répète Richard sur un tout autre ton cette fois.
    Il y a encore beaucoup d’autres choses dans le récit d’évasion de Richard Glazar mais je sens que c’est à lui de le publier un jour. Il pourrait également publier, peut-être, la « Lettre ouverte » qu’il a écrite à Jean-François Steiner après la parution de Treblinka, lettre dans laquelle il exprime « la profonde consternation ressentie par tous les survivants devant une représentation déformée pour des motifs politiques ou personnels d’événements authentiques et de personnes réelles, dont la plupart, mortes maintenant, sont incapables de se défendre ».
    « Personne ne serait sorti de Treblinka, m’a dit Richard, s’il n’y avait pas eu de vrais héros : ceux qui, ayant perdu femme et enfants, avaient choisi de combattre jusqu’au bout pour donner leur chance aux autres. Galewski – le chef de camp – ; Kapo Ivurland qui avait travaillé dans un des lieux les plus tragiques de ce lieu tragique – le Lazarett  – un homme extraordinaire et le plus ancien membre du Comité révolutionnaire, celui à qui nous, les prisonniers, avons prêté serment à la veille du soulèvement ; Sidowicz et Simcha de l’atelier des charpentiers ; Standa Lichtblau, un de notre groupe de Tchèques, mécanicien qui travaillait au garage et qui le fit sauter avec des bidons d’essence – le plus grand, le plus important des incendies de la révolte ; il y est resté. Et bien sûr, Zhelo Bloch qui était resté en vie durant quatre mois infernaux dans le camp du haut pour y semer la révolte et qui y mourut. Et enfin, Rudi Masarek, le grand Rudi blond qui, de tous les hommes de Treblinka, aurait dû avoir la meilleure chance de s’en tirer ; il paraissait plus allemand que le plus aryen des SS, il était beaucoup plus beau que leurs soldats d’élite les mieux sélectionnés. Il avait sa mère en Tchécoslovaquie et il aurait pu retrouver éventuellement une vie large et aisée. Il était venu à Treblinka, délibérément, parce qu’il aimait quelqu’un plus que lui-même. Il est mort, délibérément, pour nous. »

17
    Quand Stangl a décrit les mesures qu’il prit pour juguler la révolte, il a parlé sans animosité et en termes de pure stratégie ; on

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