Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
Vom Netzwerk:
regret, Stangl se préparait à occuper les Juifs hors du camp, dans une tourbière ; le nouveau programme devait commencer le 3 août, le lendemain de la révolte. Il avait l’intention de reconstruire Treblinka, mieux qu’avant, il voulait des maisons en briques pour les travailleurs juifs. Il avait déjà le matériel de construction tout prêt quand est arrivé l’ordre de faire disparaître le camp – et aussi bien sûr la décision d’attribuer de nouveaux postes à la plus grande partie du personnel… »]
    « Ils m’ont laissé mijoter pendant trois semaines, m’a dit Stangl, avant que Globocnik me convoque. Ça a été mon moment le plus dur. J’étais sûr que tout retomberait sur moi… Mais dès que je suis entré dans son bureau, Globocnik a dit : “Vous êtes transféré immédiatement à Trieste dans les unités antipartisans.” J’ai eu l’impression que je me liquéfiais. J’étais si sûr qu’on allait me dire que j’étais dans mon tort et voilà qu’on me donnait ce que j’avais toujours souhaité. J’allais partir, et encore pour Trieste, près de chez nous. Je suis revenu à Treblinka mais je n’y suis resté que trois ou quatre jours, le temps d’organiser le départ. Le dernier jour, j’ai fait rassembler tous les travailleurs juifs qui étaient restés parce que je voulais leur dire adieu. J’ai serré la main de quelques-uns, ça aussi j’en ai beaucoup entendu parler, après… » [« Il a rassemblé tout le monde, dit Suchomel, pour nous dire que nous allions en Italie. Il était ivre de joie, ça se voyait… »]
    « Paul m’a écrit tout de suite après la révolte, dit Frau Stangl. Mais il ne m’en a pas parlé ; il disait seulement que c’était fini. Et un peu plus tard, il m’a écrit qu’il avait été envoyé en Italie, qu’il était si heureux, si soulagé d’être sorti de tout ça enfin. Je n’ai entendu parler de la révolte que plus tard… »
    Franciszek Zabecki, qui a continué à prendre des notes sur tout ce qui se passait à la gare de Treblinka, connaît très bien la suite.
    « Après la révolte, il y a eu encore des convois venant de Bialystock, par exemple, le 18 août 1943, le PJ 202 qui comprenait trente-sept wagons, le dernier transport pour Treblinka est arrivé le 19 août : c’était le PJ 204 en provenance de Bialystock avec trente-neuf wagons… » PJ signifiait Juif polonais.
    C’est ainsi que s’acheva l’Aktion Reinhardt à Treblinka. Tous les bâtiments ont été démolis. Des lupins et des sapins ont été plantés partout et, avec les briques des chambres à gaz, on a bâti une petite ferme.
    « On y a installé un Ukrainien du nom de Strebel, dit Pan Zabecki. Il a eu l’autorisation de faire venir sa famille d’Ukraine et ils étaient tous là à l’arrivée des Russes. » Globocnik a confirmé la fonction véritable de ce « fermier » ukrainien dans un rapport à Himmler daté de Trieste le 5 janvier 1944. « Pour maintenir une surveillance, écrit-il, une petite ferme a été construite sur l’emplacement de chacun des [anciens] camps. La ferme doit être occupée par un agriculteur qui touchera une rente pour l’entretenir. »
    « Après la liquidation du camp, dit Pan Zabecki, cinq wagons de prisonniers (juifs) ont quitté Treblinka le 20 octobre 1943 pour Sobibor » (où ils allaient être bientôt mis à mort [81] ). Les vingt-cinq qui restaient sur les trente travailleurs juifs de Treblinka – parmi lesquels se trouvaient les trois filles dont a parlé Suchomel – ont été tués quelques jours après. Et un peu plus tard le reste du personnel SS a quitté le camp dans deux camions.
    Il existe des rapports contradictoires sur le nombre de gens qui ont péri à Treblinka. Les autorités polonaises ont adopté finalement le chiffre de 750 000 ; en 1971, au vu de preuves récentes, les Allemands de l’Ouest ont porté les estimations officielles à 900 000 ; et Stangl a été condamné sur la base de ce nouveau chiffre. Franciszek Zabecki a toujours insisté en disant que les chiffres ont été beaucoup plus élevés. Personnellement, il m’a toujours semblé que, devant des actes et des nombres si monstrueux, les chiffres n’ont presque plus de sens ; quels que soient ces chiffres, pour chaque individu la nature du crime et de la perte est la même. Pour conclure, néanmoins, je crois qu’il faut laisser le dernier mot au seul homme, parmi nous, qui se soit trouvé

Weitere Kostenlose Bücher