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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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acceptait. Comment aurions-nous pu nous permettre de refuser d’admettre la parole d’un prêtre ? »

6
    La plupart des ecclésiastiques que j’ai abordés au cours de cette enquête – et je n’ai pas jugé nécessaire de les citer tous, dès lors que plusieurs confirmaient ou reproduisaient simplement ce que d’autres avaient déjà dit – ont paru disposés à parler franchement. Ils ont compris, je crois, que mon intention était de parvenir à une vue plus équilibrée du rôle de l’Église catholique sur ce sujet controversé. Je n’ai eu à forcer les réponses qu’une seule fois – et à mon corps défendant, simplement parce que je l’estimais indispensable pour compléter le tableau. Il s’agit du père Anton Weber, prêtre palatin de la société Raphaël à Rome et qui, dans le contexte qui nous occupe, est probablement le prêtre le plus vulnérable de ceux encore en activité. Il m’a fallu plusieurs mois pour entrer en rapport avec lui, et quand j’ai fini par le rencontrer il se remettait d’une grave maladie dans la maison de son frère en Allemagne du Sud. On ne peut guère douter qu’il ait été lourdement impliqué dans l’aide aux SS en fuite. Mais, tout en paraissant s’évertuer encore à se persuader qu’il avait agi correctement, le père Weber m’a donné en même temps l’impression d’un homme profondément troublé.
    Comme beaucoup de prêtres avec lesquels je me suis entretenue, il était préoccupé d’orienter la conversation sur ce que l’Église avait fait pour les Juifs.
    « Combien de Juifs avez-vous personnellement cachés dans votre maison durant la guerre », ai-je demandé ?
    « Jusqu’en septembre 1943, c’était plein de Juifs, dit-il ; de Juifs baptisés. Et n’oubliez pas que les nazis ne nous ont jamais tracassés – ils n’ont pas tracassé un seul monastère ou couvent, tout en sachant parfaitement que nous cachions tous des réfugiés. »
    Un autre prêtre, qui ne souhaite pas voir citer son nom, m’a dit : « Au regard du silence du Vatican, le fait de laisser survivre ces quelques Juifs cachés n’était vraiment pas cher payé. Les nazis savaient fort bien qu’il y avait, dans la communauté religieuse de Rome – et jusqu’au Vatican – des personnes honnêtes et scandalisées qui n’étaient acculées au silence que parce que les couvents et les monastères demeuraient des lieux d’asile et pouvaient continuer à cacher des gens. »
    « Que croyez-vous qu’il serait arrivé à tous ces Juifs, demande le père Weber, si le pape s’était montré plus explicite dans ses remontrances ? »
    « Puisque vous êtes si sûr de la clémence des nazis à ce propos, n’était-il donc pas possible de donner asile à des Juifs non baptisés, qui, après tout, risquaient encore plus ? Ne vous l’ont-ils jamais demandé ? »
    « Oh ! si, mais je n’avais la charge que des baptisés. Il y avait un Monsignor à Milan qui ne cessait de soutenir qu’en des temps comme celui-là, on ne demande pas à un homme s’il est baptisé ou pas. Il comparait le cas à un naufrage : “On sauve tous ceux qui ont pu se cramponner, disait-il, on ne leur demande pas leurs papiers pour les tirer de l’eau. “ »
    « Qu’est-ce que vous en pensez ? »
    Il secoua les épaules. « Ce n’était pas si simple ; les Brésiliens, par exemple, offraient 3 000 visas pour des Juifs baptisés. Mais il fallait qu’ils soient chrétiens depuis au moins deux ans. »
    De nouveau il s’est mis à rire. « Évidemment, ils prétendaient tous être catholiques… »
    « Mais vous ne le croyiez pas ? »
    « Je leur faisais réciter le Pater et L’Ave Maria ; ça permettait de distinguer en vitesse qui l’était vraiment et qui ne l’était pas [127] . »
    Il m’avait dit, pour commencer, qu’il y avait environ 20 000 Juifs de toutes nationalités à Rome.
    « Sur les 20 000 que vous m’avez dit se trouver à Rome… » ai-je commencé, et il m’a interrompu : « Il n’y en avait que 3 000 environ de baptisés. »
    « Sur ces quelque 3 000 baptisés, combien ont réellement pu s’en tirer ? »
    « Deux ou trois cents », dit-il. Pourtant, au début de notre conversation, il avait dit que deux ou trois mille personnes avaient quitté Gênes dans des trains plombés, et qu’un navire les avait transportés illégalement de La Spezia à Barcelone d’où ils avaient pu gagner Lisbonne.
    À mes questions

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