Au Fond Des Ténèbres
sur M gr Hudal, le père Weber a répondu qu’il ne le connaissait vraiment pas très bien. « M gr Hudal avait-il une fortune personnelle ? » ai-je demandé.
« Je ne le pense pas, bien qu’il ait acheté une villa après avoir quitté l’Anima – je crois néanmoins qu’il n’avait pas de moyens en propre ; ou très peu en tout cas. »
« Et pour ce qui était de l’aide aux officiers SS pour quitter l’Europe après la guerre, comment était-elle financée ? »
« Eh bien, on pouvait se procurer des fonds pour l’aide aux réfugiés. »
« On se les procurait au Vatican ? »
« Entre autres, a-t-il répondu d’un air vague. Mais évidemment nous ne savions pas au juste qui nous aidions. Nous ne savions rien de plus en tout cas que ce que ces gens nous disaient. »
« Le bruit court que vous avez aidé Eichmann à s’enfuir. »
« Quand un homme du nom de Klement venait me trouver – avec des papiers certifiant qu’il s’appelait bien ainsi, et soyez sûre que ceux-là étaient les premiers à produire des papiers d’apparence authentique – et qu’éventuellement quelqu’un d’autre venait confirmer son histoire, comment donc, mon Dieu, aurais-je pu savoir que c’était une fausse identité ? »
Je comprenais son raisonnement. Je ne crois pas que – s’il ignorait au départ qui était la personne qui venait le trouver – il aurait pu le découvrir. Mais environ une heure plus tard, il est revenu sur Eichmann. « Oui, dit-il, quelqu’un du nom de Richard Klement est venu me trouver. Il disait venir d’Allemagne orientale et ne pas vouloir retourner là-bas vivre avec les Bolcheviks, alors je l’ai aidé [128] … »
« Combien cela coûtait-il réellement de diriger un de ces individus jusqu’à son point d’arrivée – Amérique du Sud ou autre ? »
« On leur donnait d’habitude 100 dollars pour tenir le coup et le prix du voyage, 200 à 300 dollars. Naturellement, à leur arrivée là-bas, il fallait qu’ils soient aidés ou qu’ils se débrouillent. Au Chili, par exemple, les prêtres palatins se portaient garants pour les réfugiés. J’avais un palatin agent de liaison à Lisbonne, le père Turowski, qui obtenait des visas du consul [honoraire] d’Uruguay ; avec les visas pour l’Uruguay, on pouvait se faire délivrer des visas de transit portugais. Le consul d’Espagne à Rome nous aidait aussi pour les visas de transit. » Il avait remarqué un peu plus tôt que les Uruguayens avaient été « très bons à propos des Juifs ».
Un moment plus tard, revenant à M gr Hudal, il dit tout à coup : « Etes-vous allée à l’Anima ? Avez-vous parlé avec le portier ? »
J’ai répondu que j’avais parlé de l’Anima avec le coadjuteur de Vienne, M gr Weinbacher, mais que je n’avais pas interrogé le portier.
« Comment voulez-vous découvrir la vérité, dit-il avec humeur, si vous ne parlez pas au portier. Il est vieux maintenant, bien sûr. Mais tout de même, si Hudal a été “assailli” « par des milliers de SS, il faut bien qu’il les ait vus, il a dû les faire entrer. »
« Qui a prétendu qu’il y en avait des milliers ? » ai-je demandé.
« C’est ce qu’on dit, non ? » répliqua-t-il. Et revenant une fois encore sur Eichmann, il fit remarquer que même si Eichmann-Klement lui avait donné son véritable nom, cela ne lui aurait rien dit : « Je n’ai jamais entendu ce nom jusqu’à beaucoup plus tard. »
Je lui ai raconté que Stangl m’avait dit s’être présenté à M gr Hudal sous son véritable nom et que M gr Hudal, qui semblait être au courant à son sujet, lui avait procuré des papiers à son nom.
« Je ne puis répondre pour Hudal, dit le père Weber ; mais je doute qu’il ait été plus que moi au courant des fonctions antérieures des gens qu’il aidait. » Cela dit, les allusions du père Weber à M gr Hudal n’étaient rien moins qu’amicales.
« Il aidait les Autrichiens, dit-il, pas les Allemands. Pendant la guerre, sa voiture roulait sous pavillon allemand ; dès que la guerre a été finie, il a été le premier à en changer – tout à coup il a eu un pavillon autrichien. »
Mais, à son tour, le père Weber me dit que Hudal ne faisait pas partie du cercle des familiers du pape, et il ne pouvait admettre l’opinion de ceux qui prétendent maintenant que le pape Pie XII était pro-nazi.
« Vous rappelez-vous, dit-il, que,
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