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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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lorsque Hitler est venu à Rome, le pape a ordonné ce jour-là la fermeture de tous les musées catholiques et s’est lui-même retiré dans sa résidence d’été à Castelgandolfo ? Est-ce que cela évoque un homme qui souhaitait collaborer avec les nazis ? [Dans son livre The Interpreter [129] , le Dr. Eugen Dollmann écrit que le pape se retira à Castelgandolfo par dépit – de n’avoir pas été sollicité de recevoir Hitler.]
    « Le pape aimait bien les Allemands, dit le père Weber. Il avait été heureux en Allemagne. Mais entre ça et être pro-nazi, il y a de la marge. C’est vrai que, dans le cercle des intimes du pape, de ceux qui lui étaient le plus proches, il y avait surtout des prêtres allemands, ou de langue allemande. Mais nul ne peut prétendre que le père Leiber qui était le confesseur et le collaborateur le plus proche du Saint-Père était pro-nazi. Non plus que M gr  Wüstenberg qui est aujourd’hui nonce à Tokyo… »
    J’ai demandé au père Weber s’il savait quelque chose sur le passage à Rome de Martin Bormann.
    « Rien du tout, dit-il. Je n’ai eu avec l’histoire Bormann qu’un contact indirect, quand j’ai amené les enfants de Bormann à une audience particulière de Pie XII en 1950… »
    « Comment les choses se déroulaient-elles quand les gens venaient solliciter votre aide après la fin de la guerre ? »
    « Le portier entrait dire que quelqu’un me demandait. Je descendais dans un petit parloir de notre maison. La personne me disait son nom – ou ce qu’elle prétendait être son nom –, et un peu de son histoire et, c’était le cas le plus fréquent, je répondais que je n’avais pas qualité pour l’aider ; je lui conseillais d’aller trouver Hudal, ou l’équipe de Caritas, ou la Croix-Rouge internationale pour avoir des papiers. »
    « Vous n’aidiez jamais ? Vous ne leur donniez jamais d’argent quand ils en avaient besoin, vous ne leur trouviez pas un endroit pour loger, vous ne les hébergiez pas vous-même ? »
    « Il a pu m’arriver de leur donner un peu d’argent quand ça me semblait indispensable, juste pour les remettre à flot un jour ou deux ; il a pu m’arriver aussi de leur indiquer une adresse où loger, l’YMCA, vous voyez, ou quelque autre foyer de ce genre : tous hébergeaient des gens. »
    « Mais vous ne leur veniez pas personnellement en aide avec des papiers, des chambres, etc. ? »
    « Il a pu m’arriver d’en aider quelques-uns quand il me semblait que c’était la chose à faire. »
    « Quand était-ce la chose à faire ? »
    « Quand ils se trouvaient dans le besoin, répliqua-t-il avec irritation. C’était cela notre fonction. »
    « Avez-vous suspecté certains d’entre eux ? Vous êtes-vous demandé ce qu’avaient vraiment pu être leur histoire, leur passé véritable ? »
    « Oui, cela m’est arrivé. Mais ils étaient tant qui avaient besoin de secours, comment aurions-nous pu aller au-delà des simples détails superficiels qu’ils nous fournissaient ? »
    « Pendant la guerre, le pape vous a chargé de secourir les Juifs baptisés et, soupçonnant beaucoup de ceux qui se présentaient de ne pas appartenir à cette catégorie, vous leur faisiez réciter le Pater et l’Ave Maria ; et, sans aucun doute, quand ils ne récitaient pas convenablement, vous ne les aidiez pas. Après la guerre, vous est-il arrivé de soumettre à une épreuve analogue ceux qui venaient à ce moment-là requérir votre aide ? Vous est-il arrivé de refuser l’un d’entre eux parce que vous n’étiez pas certain qu’il appartenait à « la catégorie appropriée ? »
    « Cela a pu m’arriver – je ne me rappelle pas très bien. C’est si loin. »
    « Posons le problème théoriquement, dis-je. Si vous aviez su, si vous vous étiez douté que certaines personnes qui venaient demander votre aide, avaient été impliquées de près dans les horreurs dont vous aviez alors connaissance, comme tout le monde, qu’elles avaient personnellement et effectivement commis des atrocités ou des meurtres, ou qu’elles y avaient participé ; qu’elles étaient personnellement recherchées par les tribunaux pour crimes de guerre, auriez-vous eu le sentiment que l’Église avait le droit, ou peut-être l’obligation, dans de telles circonstances de soustraire un homme à la justice humaine ? Auriez-vous aidé cet homme ? »
    Le père Weber est resté plusieurs minutes sans

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