Au Fond Des Ténèbres
Croix-Rouge internationale et la confirmation par Frau Stangl du récit que m’avait fait son mari contredisent toutes deux M gr Bayer sur ce point.]
« Les nazis avaient certainement dans ces contrées du Proche-Orient des sympathisants qui ont préparé le terrain aux fugitifs, et il est possible que Hudal ait donné à Stangl un mot d’introduction ou le nom de quelqu’un en Syrie disposé à l’aider à son arrivée à Damas. Nous étions un comité d’aide, vous savez, dit-il d’un ton sec, pas un bureau de placement. Il me paraît ridicule de croire que Hudal lui a remis un passeport de la Croix-Rouge internationale. Il lui a certainement fallu faire lui-même la queue pour ça – des centaines l’ont faite pendant des heures. Je n’ai pas le souvenir que la Croix-Rouge m’ait donné à moi un seul passeport à remettre à l’un de ces hommes. Je les accompagnais quelquefois à la Croix-Rouge pour dire que le gars était bien, vous comprenez…
« Oui, Stangl a dû recevoir de l’argent – provenant du Vatican – ou un billet pour la Syrie, mais les deux à la fois c’était rare. Peut-être qu’il y a eu des cas d’exception à qui on a donné les deux, mais ce n’est arrivé à aucune des personnes que j’ai aidées…
« De notre point de vue, ces gens avaient le droit de décider de l’endroit où ils souhaitaient aller vivre. [Il se référait principalement aux prisonniers de guerre dont il avait la charge.] Après tout, pour des milliers d’hommes, il s’agissait de subir ou non les Russes. »
« Croyez-vous, ai-je questionné, qu’il soit arrivé au pape, à Hudal, à ceux qui étaient engagés dans ces œuvres d’aide – et à vous-même – de se demander si ces hommes n’avaient pas la conscience chargée, très chargée ? »
« Croyez-vous sérieusement, a-t-il répliqué, qu’il y avait plus de bandits et de voleurs parmi ces hommes que parmi les Anglais ou les Américains ? »
« Je ne vous parle pas de vol. Je parle de meurtres. »
« Ecoutez, ils étaient des milliers et des milliers ; comment pouvions-nous savoir ? »
« Vous-même peut-être, dans votre charge d’aumônier des prisonniers, aviez affaire à des milliers. Mais M gr Hudal semble s’être occupé spécialement de certains SS. Croyez-vous que lui se soit demandé ce qu’ils fuyaient, et si l’Église devait les aider à se soustraire à la justice ? »
« Vous savez, M gr Hudal a aidé des Juifs avant d’aider les SS ; il a aidé plus de Juifs que de SS. » (Gustav René Hocke, correspondant de l’Arbeitsgemeinschaft Frankfurter Neue Presse et de Die Tat à Rome pendant toute la guerre et aujourd’hui encore, m’a dit qu’à sa connaissance M gr Hudal avait caché au total seize personnes dans l’Anima pendant la guerre Américains, Anglais et Juifs.)
« Les autres s’adressaient à moi aussi – heureusement leur cas n’était pas de ma compétence puisque j’étais spécialement chargé des prisonniers de guerre. Pourtant, un ou deux ont essayé de se glisser ; eh bien, dites-moi donc comment nous aurions pu savoir ce qu’ils avaient fait ? Ils nous le disaient pas, après tout, pas si bêtes. Et ils n’étaient pas connus, voyez-vous. En somme, qui connaissait Eichmann à l’époque ? Et Stangl ? Et Mengele ? Maintenant oui, maintenant nous savons tous leur nom. Mais à cette époque ? Je n’avais jamais entendu parler d’Eichmann avant son procès en Israël. » [D’autres à Rome ont dit que les noms de gens comme Eichmann, Mengele, Bormann, Rauff et Muller étaient connus à l’époque, mais non celui de Stangl ou d’autres hommes des camps de la mort en Pologne.] « Bien sûr nous savions que beaucoup d’entre eux avaient été dans la SS. Mais les SS étaient aussi des formations de combats ; on ne pouvait pas leur attribuer à tous que des horreurs – sur lesquelles nous savions d’ailleurs très peu de chose alors…
« Même dans ces conditions, nous avons essayé de les interroger ; nous leur avons posé à tous des questions. Et la Croix-Rouge internationale non plus ne donnait pas comme ça des passeports à n’importe qui, sans justification d’identité. Elle demandait certaines assurances quant aux particularités et au caractère de la personne. Eh bien, vraiment, c’était difficile. Tout ce que nous pouvions faire, et nous le faisions, quand nous avions des soupçons, c’était d’insister pour que
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