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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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ont été emmenés à l’Est ; le 1 er  septembre il n’était plus distribué dans ce ghetto que 120 000 cartes de rationnement et le 1 er  octobre 40 000. La liquidation se poursuit au même rythme dans les autres villes polonaises.
    « L’ambassade de Pologne assure à cette occasion le secrétariat d’État de Sa Sainteté, de sa très haute considération.
    Le Vatican 19 décembre 1942. »
    Au-dessous une remarque manuscrite en polonais : « Transmis personnellement par l’ambassadeur à M gr  Tardini, le 21. XII. 1942. »
    (C’était la septième communication sur le sujet rédigée par M. Papée ou transmise par son intermédiaire. La première était datée du 30 mars 1940. Des descriptions d’autres atrocités nazies et des appels au pape à les condamner parvenaient naturellement au Saint-Siège ; beaucoup figurent dans la collection de documents publiés par le Vatican. Mais à l’exception de quelques notes indicatives en bas de page, aucun de ces textes ne se réfère notamment aux Juifs.)
    Trois jours après avoir reçu cette lettre, la veille de Noël 1942, le pape Pie XII fit publiquement allusion au sort des Juifs. Pleinement averti qu’à cette date un million au moins d’êtres humains avaient été mis à mort méthodiquement en Pologne occupée dans « des installations spécialement aménagées » – massacre sans aucun rapport avec des actes de guerre – il se borne à une seule allusion détournée, presque à la fin de ce message de Noël de 5 000 mots, aux catholiques du monde entier. Au moment où il en arriva à cette phrase il avait déjà parlé près de quarante-cinq minutes et la phrase elle-même se trouvait prise dans une série de recommandations répétées enjoignant à l’humanité de faire :
    « Le vœu solennel de ne pas demeurer en repos tant que, dans toutes les nations et les peuples de la terre, les quelques poignées d’hommes attachés à rendre à la société son centre de gravité qui est la loi de Dieu, aspirant à servir la personne humaine et sa vie quotidienne ennoblie par Dieu ne seront pas devenues une vaste légion. Ce vœu, l’humanité le doit aux morts innombrables ensevelis sur les champs de bataille. Le sacrifice de leur vie, l’accomplissement de leur devoir constituent leur offrande à un ordre social nouveau et meilleur. Ce vœu, l’humanité le doit à l’armée innombrable des mères, des veuves et des orphelins affligés qui ont perdu lumière, réconfort et soutien. Ce vœu, l’humanité le doit aux exilés innombrables arrachés à leur patrie par l’ouragan de la guerre et dispersés sur un sol étranger, et qui pourraient gémir avec le prophète, « Notre héritage est tombé entre les mains d’autrui, nos maisons sont habitées par des étrangers. « Ce vœu, l’humanité le doit à des centaines de milliers d’êtres humains qui, sans avoir commis de faute et parfois seulement à cause de leur nationalité ou de leur origine sont condamnés à mort ou à un lent dépérissement [136]
    « Ce vœu, l’humanité le doit aux milliers de non-combattants, femmes, enfants, malades et vieillards que la guerre aérienne – dont nous n’avons cessé de dénoncer l’horreur depuis le début des hostilités – a privés sans discrimination de leur vie, de leurs biens et de leurs forces, d’institutions charitables et de lieux de prière. Ce vœu, l’humanité le doit au flot ininterrompu de larmes, etc. »
    Carlo Falconi remarque avec une grande précision et vraisemblablement avec une ironie délibérée, que le passage cité constitue « indubitablement la condamnation des violences contre les civils la plus courageuse que Pie XII ait osé prononcer durant toute la guerre… ».
    À Rome (et en Allemagne) en 1972 et 1973, des prêtres ont inlassablement invoqué ce message de Noël de 1942 comme preuve concluante de la volonté du pape de s’exprimer publiquement sur les atrocités nazies.
    À la fin de notre entretien, j’ai demandé à Kazimierz Papée s’il croyait que le pape aurait pu faire davantage pour s’opposer au massacre des juifs et des chrétiens en Pologne. « Sa position était très, très délicate, a dit tristement M. Papée. Il était quand même, il faut se rendre compte, cerné par le fascisme ; il lui restait très peu de liberté de mouvement. »
    (Un an plus tard, je lui ai téléphoné de Londres pour lui poser une dernière question qui me troublait :

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