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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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avoir toujours été une personne indépendante et différente, dont l’autre avait un plus grand besoin qu’elle de lui. Comment, en effet, dans le contexte actuel, pourrait-elle se permettre d’apparaître comme ayant eu besoin de lui (ce qui correspond sans nul doute à la réalité et est bien humain) étant donné ce qu’il devait devenir ?
    « Au bout de deux ans et demi, poursuit-elle, Paul m’a écrit qu’il ne pouvait plus supporter mon absence et je suis revenue – en mai ou juin 1935. Il avait alors un appartement à Linz où j’ai logé. Lui habitait à la caserne de la police, ajoute-t-elle vivement. » Durant cette période de fiançailles, ils n’ont jamais couché ensemble, dit-elle.
    « Nous nous sommes mariés en octobre 1935 à Wels. Sans cérémonie. C’est le bedeau qui nous a servi de témoin. Paul avait emprunté une moto et nous sommes allés passer notre lune de miel dans le Mittenwald. »
    Après quoi, ils sont allés habiter dans l’appartement qu’ils avaient installé – celui que Stangl devait décrire plus tard comme « mon premier vrai chez-moi ». Plus tard, encore, ils en ont pris un autre tout aussi petit, mais avec un jardin au 4 de la Weiradenhausstrasse à Wels. Ce fut là leur domicile jusqu’au moment où Frau Stangl alla le rejoindre en Syrie en 1949.
    « L’appartement de la Roseggerstrasse était tout petit, dit-elle, mais charmant. J’ai été tout de suite enceinte et je me suis entièrement consacrée à Paul, à ma maison et au bébé que je portais. Nous n’avions de relations sociales – du reste assez rares – qu’avec un jeune couple de l’immeuble : nous nous suffisions. »
    Elle n’a rencontré aucun des collègues de son mari et savait fort peu de chose sur ses occupations sinon qu’il avait à tout bout de champ des promotions, des éloges, et même une décoration pour ses succès. « J’étais très fière de lui. » Elle dit qu’elle remarqua vite son ambition effrénée. « Elle persista jusqu’à la fin de la guerre. » Mais il semble qu’il lui fallut beaucoup de temps pour comprendre que cette ambition correspondait plutôt chez lui à une faiblesse qu’à une force, comme on aurait pu le croire à première vue.
    Je demandai : « Était-il vaniteux ? »
    — Vaniteux ? Non, il ne m’a jamais paru tel. Mais incroyablement soucieux de son apparence. » Dans nos conversations, les souvenirs de Frau Stangl sur le moment qui précède l’Anschluss concernaient presque tous la douceur de cette intimité conjugale, refuge manifeste de deux êtres jeunes au sortir d’une enfance malheureuse. Mais dans les lettres qu’elle m’a écrites un an plus tard, la façon dont elle évoque son enfance a un peu changé. Au terme de cette période, elle était probablement en quête d’une sécurité qu’elle trouvait dans des clichés : « Mon père avait une situation prospère et sortait d’une famille distinguée et très bien considérée écrivait-elle maintenant. Mais l’Autriche était alors en proie à une grave crise économique ; il dut vendre son commerce et se mit à boire. Comme il supportait mal l’alcool, il était souvent ivre à cette époque. Plus tard, il se reprit ; il a été pour moi un père admirable et nous l’aimions tous. »
    Le changement d’accent ne portait pas seulement sur sa propre enfance : « Je ne crois pas que l’enfance difficile de mon mari ait influencé en aucune façon son développement, m’écrivait-elle dans la même lettre. Il n’avait que huit ans, comme vous savez, quand mourut ce vieux dragon jaloux qu’était son père. Et il avait une mère jeune, aimante et incroyablement active, qui s’est remariée un an plus tard. Et son beau-père, encore vert aujourd’hui à l’âge de quatre-vingt-quatorze ou quatre-vingt-quinze ans a été pour lui un père excellent, qu’il a beaucoup aimé. »
    À Sao Bernardo, à l’époque où je l’ai vue, Frau Stangl conservait très vif le souvenir de ce jour très peu de temps après l’Anschluss, où, rentrant de son travail, son mari avait déclaré à peine arrivé : « Ça y est – j’ai tout arrangé – il n’y a plus de souci à avoir ; ils ne peuvent plus rien contre nous. »
    « Je lui ai demandé ce qu’il avait fait, dit-elle. Je savais comme il était tourmenté, naturellement, par toutes ces arrestations et ces exécutions… »
    Curieusement, toutefois, elle ne semble pas avoir connu

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