Au Fond Des Ténèbres
changement. Il a dit aussi que j’avais le choix entre un institut en Saxe ou un autre en Autriche. Mais que, d’autre part, si je refusais la nomination, mon chef actuel à Linz – Prohaska – me trouverait une autre affectation. »
Et c’est ce qui vous a décidé, n’est-ce pas ?
« C’est la combinaison du tout. La façon dont il présentait les choses ; la loi existait déjà en Amérique et en Russie ; le fait que des docteurs et des infirmières étaient dans le coup ; le sérieux des examens médicaux ; les égards pour les sentiments de la population. Et c’est vrai aussi que, depuis des mois je me sentais terriblement menacé par Prohaska à Linz. Après tout, j’avais compris le 13 mars 1938 qu’il était beaucoup plus facile de faire un mort en Allemagne que partout ailleurs. J’étais tout simplement ravi de quitter Linz. »
Qu’est-il arrivé ensuite ?
« Je me suis présenté à Tiergartenstrasse 4, à l’Oberführer Brack, je crois. Il m’a exposé ce que seraient mes obligations spécifiques de policier. » (Tout ce que m’a dit Stangl à ce moment a semblé impliquer que lui-même, officier de police d’un rang apparemment modeste à l’époque, aurait été reçu et mis au courant par l’un des fonctionnaires les plus haut placés à la Chancellerie du Führer, l’Oberführer Victor Brack. Or j’ai appris ensuite par Dieter Allers, le précédent chef du service à T4, que Brack recevait personnellement et mettait au courant tout le personnel affecté à T4 – il recevait même le personnel de service, m’a dit Allers.)
« J’ai répondu que j’allais essayer et que je préférais rester en Autriche pour être plus près de ma famille. Il m’a dit que pour être efficace dans mon nouvel emploi, il me faudrait avoir la préséance sur le chef le plus haut placé de l’instance de police du voisinage – Alkoven – qui était un homme du nom de Hartmann, et que je serais versé en conséquence dans le corps en uniforme, avec le grade de lieutenant. »
Vous deviez porter l’uniforme ?
« Oui, l’uniforme vert de la police. » [qu’il porta jusqu’à la Noël 1942 lorsqu’il fut assimilé à la SS en Pologne et reçut la tenue de campagne grise qui était celle de tous les SS à Treblinka] « Il m’a donné le nom d’un village proche de Linz et un numéro de téléphone ; je me souviens que c’était le 913 à Alkoven. Je devais retourner à Linz pour y faire mes bagages et ne révéler à personne l’endroit où j’irais. Je descendrais dans une auberge aux abords de Linz – le Gasthaus Drei Kronen [10] – sur la Landstrasse, j’appellerai le numéro indiqué et je recevrais des instructions. » (« Oui, bien sûr, je me souviens de cette convocation à Berlin, m’a dit Frau Stangl au Brésil, trente et un ans plus tard. Il m’a dit qu’il devait se présenter à Tiergartenstrasse 4. Je me demande bien de quoi il s’agit, a-t-il ajouté. »)
« Je ne suis resté qu’un jour à la maison, poursuivait Stangl, et j’ai fait ce qu’on m’avait dit, je suis allé aux Drei Kronen et j’ai appelé le 913 à Alkoven. Une voix d’homme m’a répondu, j’ai donné mon nom et on m’a dit : “Je viens vous prendre.” Une heure plus tard environ est arrivée une sorte de camionnette de livraison, avec un chauffeur civil en complet gris. Quand je lui ai demandé où nous allions, il a dit seulement : “Dans la direction d’Everding. “Au bout d’une heure nous sommes arrivés à Schloss-Hartheim. »
Comment était-ce ?
« Oh ! grand, avec une cour intérieure et des passages voûtés et tout ça. Depuis un certain temps le bâtiment ne servait plus de résidence privée ; on en avait fait un orphelinat, je crois, et plus tard, un hôpital. L’une des toutes premières personnes que j’ai rencontrées était un ami – quel soulagement ! – Franz Reichleitner, un collègue de la police. »
Il semble que ce Reichleitner [11] qui allait poursuivre une carrière parallèle à celle de Stangl, quoique à un niveau légèrement inférieur, fût tout aussi heureux de cette rencontre. « Il m’a dit qu’on lui avait appris que j’allais arriver et qu’il m’avait attendu près de l’entrée. Il s’était arrangé pour partager une chambre avec moi. Il dit qu’il me ferait faire le tour du château plus tard mais qu’il devait auparavant me faire rencontrer l’équipe médicale et le capitaine
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