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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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malheureux. La question s’était donc posée de savoir si l’État pouvait entreprendre quelque chose dans ce sens. Mais Hitler y était opposé présentement en raison notamment du fait que l’Église catholique autrichienne avait été d’une aide considérable lors de l’Anschluss et qu’il ne tenait aucunement à provoquer un conflit avec elle pour l’instant. C’est pourquoi Brack souhaitait être éclairci sur la réalité d’une opposition foncière de l’Église à la légalisation de l’euthanasie pour les malades mentaux incurables.
    Hartl dit que Brack lui demanda de rédiger une consultation sur la question, mais il s’y refusa en invoquant son manque de compétence. Selon lui, dit-il à Brack, un avis de ce genre devait être rédigé par un prêtre en exercice, suffisamment versé dans la doctrine morale catholique. Ayant reçu mission d’en trouver un, il commença par s’adresser au chanoine de l’église Saint-Kajetan de Münich, le Dr. August Wilhelm Patin. Hartl ne nie pas qu’une des raisons de ce choix tenait au fait que le Dr. Patin – prêtre en exercice à l’époque – était le cousin de Himmler. « Mais, dit Hartl, pour finir, le Dr. Patin me parut prendre les choses trop à la légère : il déclara tout bonnement qu’il ne croyait guère à une opposition foncière, en s’appuyant sur des arguments très sommaires. C’était une démarche pour rien. Je suggérai donc à Brack pour finir que nous chargions un professeur de théologie morale de rédiger une véritable consultation d’expert.
    « Celui auquel je pensais était le professeur de théologie morale à l’université de théologie et de philosophie catholique de Paderborn, Joseph Mayer, dont il avait d’ailleurs été quelque temps le recteur. C’était donc une personnalité de haut rang et, du fait qu’il avait écrit en 1927 un ouvrage important sur la stérilisation des aliénés, on le connaissait déjà comme un homme intéressé par ces sujets, et ouvert à la discussion.
    « Je suis allé voir le professeur Mayer, ce devait être au début de 1939, mais je ne me rappelle pas la date exacte. Je lui ai rapporté fidèlement les propos de Brack : que Hitler souhaitait une consultation sur l’attitude de l’Église catholique à l’égard de l’euthanasie. Il me semble que c’était la première fois que je rencontrais le professeur Mayer – mais je l’ai revu fréquemment au cours des années qui ont suivi : nous sommes allés ensemble à Rome en 1944 ; nous étions descendus à l’hôtel Felipe Neri… ce voyage avait pour objet de sonder les possibilités de changer in extremis le cours de la guerre, d’entrer en contact, par l’intermédiaire du Vatican, avec les puissances occidentales et de nous allier à elles contre les bolcheviks. Mais ça c’était bien après…
    « En 1939, je l’ai dit, je crois que je ne le connaissais pas personnellement. Je l’ai averti moi-même de ma visite sans recourir à un intermédiaire – directement, oui. Je prenais toujours beaucoup de précautions quand je voyais des théologiens ou des prêtres. Et je ne me présentais jamais en uniforme, ce qui aurait pu les gêner. J’ai rendu visite deux ou trois fois au professeur, dans son appartement je crois, dans l’annexe de l’université. Il me semble avoir vu deux pièces encombrées de livres. J’ai mangé avec lui mais je n’ai jamais passé la nuit. Lors de cette première visite, je lui ai dit qu’il percevrait des honoraires, quelle que soit évidemment la teneur de son texte. Ce qui lui était demandé, c’était l’avis d’un véritable expert. Il serait payé pour le temps qu’il passerait et dédommagé de ses dépenses. Le professeur Mayer accepta la mission et, autant que je me rappelle, travailla au moins un semestre. »
    Hartl dit qu’au terme de cette période, il alla lui-même chercher le texte à Paderborn. « Je me rappelle être allé chez lui, mais il manquait encore une partie – pour des raisons de frappe ou de correction – que détenait le secrétaire. En tout cas il vint finalement me la remettre à la gare. »
    Cette consultation, dit Herr Hartl, couvrait une centaine de pages dactylographiées à double interligne, sur papier machine fin et format courant. Il y avait cinq exemplaires, chacun dans une chemise bleue. Il quitta Paderborn l’après-midi par le train, passa les cinq heures du trajet à lire, arriva à Berlin tard dans la

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