Au Fond Des Ténèbres

déprimée, autant que je me souvienne. Elle m’a dit qu’elle avait séjourné dans un élevage de poissons – et j’ai vu toutes les photos – était-ce alors ou plus tard, je ne suis pas sûre, des photos oui, de lui aussi, dans cette veste blanche, avec les enfants, et avec un gros chien aussi, je me souviens. Plus tard, bien sûr, quand nous avons lu ce qu’il avait été, j’ai repensé à cette photo et je me suis dit : “Il ne manquait que la cravache et voilà comment il était, tout à fait comme ils l’ont décrit au procès… “ »

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    Au moment où Stangl quittait Sobibor, les informations sur les camps de la mort en Pologne commençaient à filtrer à l’extérieur.
    En juillet 1942, le gouvernement polonais en exil à Londres, sur la base de renseignements de l’armée secrète, avait diffusé, un rapport officiel circonstancié sur la façon dont avaient été massacrés, depuis l’invasion allemande, 700 000 Juifs. Il mentionnait l’usage de camions à gaz à Chelmno. Un des chefs du Bund socialiste juif, Szmul Zygielbojm, qui s’était enfui de Pologne après que sa femme et ses enfants eurent été tués et qui avait combattu lors de la défense de Varsovie, fit une déclaration sur les ondes de la B.B.C., adressée au monde entier pour porter témoignage sur ces faits effroyables et pour supplier le monde « de méditer sur l’horreur totale que représentait le plan d’extermination de tout un peuple… Les gouvernements anglais et américain, disait-il, doivent être contraints de mettre fin à ce meurtre gigantesque. Car si nous n’essayons pas de trouver un moyen d’arrêter cela, nous porterons tous une part de responsabilité morale dans ce qui arrive. »
    Le 17 juillet, la radio de Berlin annonçait la rafle de 18 000 Juifs à Paris, précisant qu’ils seraient « tous déportés à l’Est, comme annoncé précédemment ». La radio allemande, durant toute la guerre, était interceptée avec soin par les Alliés et cette information a dû certainement être notée. Le 22 juillet commençait le « recasement » des 380 000 Juifs dans le ghetto de Varsovie et à nouveau les gouvernements alliés en furent informés par le gouvernement polonais en exil.
    Un compte rendu détaillé des réactions anglaises et américaines devant ces événements, a été donné par Arthur D. Morse dans son livre While Six Millions Died [59] . Nous ne pouvons que mentionner ici que le 1 er  août 1942, Gerhart Riegner, alors en Suisse pour le Congrès mondial juif apprit d’un grand industriel allemand qui avait ses entrées dans le cercle des familiers de Hitler que bien des mois auparavant Hitler avait ordonné l’extermination de tous les Juifs d’Europe. Riegner envoya un câble au rabbin Wise, aux États-Unis, par l’intermédiaire du Département d’État américain : « Reçu informations alarmantes… Selon plan, tous Juifs des pays occupés ou sous contrôle allemand, environ trois et demi à quatre millions, sans compter Juifs Union soviétique [phrase significative montrant la précision des renseignements fournis par l’informateur] après déportation et rassemblement dans l’Est, seront exterminés d’un coup pour solution définitive de la question juive en Europe… »
    Ce câble, apparemment, a été supprimé par le Département d’État – première d’une série de décisions politiques semblables – et il n’a atteint le rabbin Wise que le 28 août, par l’intermédiaire du Foreign Office britannique et de la branche londonienne du Congrès mondial juif. Et Summer Welles persuada Wise de ne pas diffuser dans le public l’annonce de l’ordre d’extermination « jusqu’à ce qu’une confirmation officielle puisse être obtenue ». Myron Taylor, envoyé spécial du président américain auprès du Saint-Siège, fut prié de contrôler ces renseignements auprès du Vatican.
    Entre le 4 août et le 14 septembre, les gouvernements du Brésil (qui prit l’initiative de cette démarche), de Grande-Bretagne, de Belgique, de Pologne, d’Uruguay, de Yougoslavie et des États-Unis envoyèrent tous des notes au secrétariat d’État du Vatican pour attirer l’attention du Saint-Siège sur « le traitement féroce et inhumain infligé par les forces hitlériennes aux populations civiles dans les régions occupées par les Allemands » et suggérer « qu’une condamnation parallèle de ces atrocités par le Saint-Siège aurait…