Au Fond Des Ténèbres
un effet salutaire… en faisant en quelque façon échec aux actions effrénées et injustifiées des forces du régime nazi. »
Tout cela – bien dans la ligne diplomatique – était encore rédigé en termes assez généraux. Le 26 septembre, Myron Taylor remettait une note beaucoup plus explicite au cardinal Maglione, lui communiquant une information donnée au bureau de Genève de l’Agence juive pour la Palestine par « deux témoins oculaires, dignes de foi (Aryens [60] ) dont un était arrivé de Pologne le 14 août.
(1) La liquidation du ghetto de Varsovie est en cours. Sans aucune distinction, d’âge ni de sexe, tous les Juifs sont retirés par groupes du ghetto et fusillés. Leurs corps sont utilisés pour fabriquer des graisses et leurs os pour faire de l’engrais. Les cadavres sont même exhumés dans ce but [61] .
(2) Ces exécutions massives ont lieu, non pas à Varsovie, mais dans des camps spécialement conçus à cette intention dont un serait situé à Belsec… »
Après avoir fait ressortir trois autres points, la lettre se termine en demandant toute confirmation ou information supplémentaire que le Vatican pourrait détenir ainsi que des suggestions « sur tous moyens pratiques de mobiliser les forces de l’opinion publique civilisée afin d’enrayer le cours de ces atrocités ».
Cette communication ne devait recevoir de réponse que le 10 octobre, jour où Harold Tittman, représentant américain auprès du Saint-Siège, transmit le texte suivant du Département d’État :
« Le Saint-Siège a répondu ce jour à la lettre de Mr. Taylor concernant la situation difficile des Juifs en Pologne par une déclaration non signée et officieuse qui m’a été remise par le cardinal, secrétaire d’État. Après des remerciements à l’ambassadeur Taylor pour avoir attiré l’attention du Saint-Siège sur la question, le texte précise que des rapports sur les mesures sévères prises contre les non-Aryens sont également parvenus au Saint-Siège en provenance d’autres sources mais que, jusqu’à ce jour, il n’a pas été possible de vérifier leur authenticité. Quoi qu’il en soit, ajoute la déclaration, il est bien connu que le Saint-Siège se saisit de toutes les occasions offertes pour alléger les souffrances des non-Aryens… » [mots mis en italique par l’auteur].
La fin du mois d’octobre vit la formation d’une « Commission des crimes de guerre » aux États-Unis ; mais le communiqué l’annonçant y adjoignait, au nom du Président, l’assurance que seraient disculpés tous ceux qui n’étaient pas les plus hauts fonctionnaires nazis.
Suivit le 17 décembre la condamnation officielle par toutes les nations alliées de l’entreprise d’extermination des Juifs par les nazis. Les Alliés avertissaient les responsables qu’ils n’échapperaient pas au châtiment, réaffirmaient « leur résolution solennelle de donner l’assurance que les responsables de ces crimes n’échapperaient pas à la sanction, et de prendre toutes les mesures effectivement nécessaires pour mener à bien cette tâche ».
Le soir de Noël 1942 – au moment où prenait fin ce que Richard Glazar a appelé « la période de pointe » de l’extermination des Juifs en Pologne et alors que plus d’un million d’entre eux avaient été tués dans les quatre camps d’extermination de Pologne – Mr Tittman envoya au secrétaire d’État Cordel Hull un nouveau télégramme. Il avait eu – sans aucun doute à l’une des réceptions de Noël au Vatican – une autre conversation avec le cardinal secrétaire d’État, au cours de laquelle, parlant de l’extermination massive des Juifs, le cardinal Maglione avait dit que « tout en déplorant les atrocités qui avaient été portées à son attention, le Saint-Siège était dans l’incapacité de vérifier les rapports alliés quant au nombre de Juifs exterminés… [62] »
Troisième partie
1
L’impression essentielle que j’avais emportée de Sobibor était une impression de beauté : le calme, la solitude, par dessus tout l’étendue du lieu y laissaient toute liberté à l’imagination. Treblinka, c’était autre chose.
Les Polonais n’ont épargné aucun effort, en reconstituant l’ensemble du camp, pour en faire un monument national qui tout en évoquant parfaitement l’horreur puisse laisser quelque impression aussi de l’humaine dignité. Mais ça ne rend pas. Tout ce qui vient
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