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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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faire des chandelles. La difficulté d'exploitation tenait au goût que les oiseaux semblaient avoir pour le suc de cette plante. On devait poster en permanence un négrillon près de chaque arbuste pour chasser les gourmands ! Depuis qu'un certain Emmanuel Prudhomme avait, en 1718, planté du coton au pays des Natchitoch, on commençait, surtout dans la basse Louisiane, à s'intéresser à cette culture fort rentable, tandis que les riverains, concessionnaires de terres inondables sur les rives du Mississippi, récoltaient un riz de qualité moyenne dont la culture ne pouvait manquer de s'intensifier depuis que le premier moulin à écaler le riz, fabriqué à Gênes, était arrivé en Louisiane en 1722. Car il fallait jusque-là « qu'un nègre passe une journée à piler pour faire à manger à deux », commentait M. de La Chaise.
    Parmi les ressources de la Louisiane, il en est une que les nouveaux arrivants ne manquèrent pas d'exploiter, le bois de cyprès. D'immenses cyprières constituaient une réserve naturelle de bois dans laquelle les colons puisèrent, non seulement pour bâtir leur maison, les forts et les digues, mais aussi pour en faire commerce avec l'Europe et les îles des Caraïbes.
    Le cyprès a été fort bien décrit par Élisée Reclus dans l'article qu'il écrivit pour la Revue des Deux Mondes , à son retour d'Amérique, et qui fut publié dans le numéro du 15 juillet 1889. Le géographe, comme tous les Européens qui visitèrent la Louisiane, avait été impressionné par les vastes cyprières du delta du Mississippi. « Le cyprès est un arbre droit, élancé, renflé à la base comme un bulbe d'oignon ; il s'appuie sur des contreforts durs et solides, qui jaillissent du sommet de la racine comme pour mieux s'ancrer dans le sol vaseux. Le sommet du cyprès s'épanouit en petites branches couvertes d'un feuillage vert pâle. À ces branches pendent de longues fibres de la mousse appelée du nom caractéristique de barbe espagnole ; souvent, les cyprès portent un si grand nombre de ces longues chevelures grises, qu'ils prennent l'apparence ridicule de gigantesques porte-perruques. »
    Les colons français n'étaient certes pas préparés à l'industrie du bois, mais ils y furent conduits par les circonstances. Un embryon de commerce était apparu, dès 1712, quand Crozat avait pris en main l'exploitation de la colonie. Sa Compagnie avait besoin de bois pour la construction des postes militaires et aussi pour ses magasins et bateaux.
    Les charpentiers appréciaient le cyprès parce qu'il était aussi tendre que le pin blanc. On le débitait facilement en planches qui fournissaient un matériau de construction idéal. Seul son transport causait des difficultés, car, si aucun bois vert ne flotte aisément, la densité exceptionnelle du cyprès compliquait encore les choses. Les colons lui avaient d'abord préféré le cèdre, mais, le cyprès étant imputrescible, ils avaient vite opté pour l'arbre le plus abondant en Louisiane. Après avoir employé le cyprès dans les fortifications et la construction des digues, ils en firent des pales de moulin à eau, des planchers, des toitures, des colonnettes, des meubles qui ont résisté jusqu'à nos jours.
    En 1724, Adrien de Pauger, ayant apprécié les qualités de ce bois, avait commandé mille piliers de cyprès pour assurer les fondations d'un nouveau fort à la Balise. Dans le même temps, Claude Joseph Villars Dubreuil, propriétaire d'une vaste concession entre La Nouvelle-Orléans et les Cannes-Brûlées, se mit à produire, en défrichant ses cyprières, plus de madriers et de planches que le marché local ne pouvait en absorber. Il choisit d'en exporter à Saint-Domingue et le cargo Saint-André fut le premier qui emporta les bois de Louisiane à Cap-Français.
    Bientôt, les bateaux qui retournaient en France transportèrent des cargaisons de cyprès et la production ne cessa d'augmenter, encouragée, dès 1725, par Bienville, qui vit dans ce commerce un des rares secteurs rentables. Ce colonisateur, qui était aussi un homme d'affaires, ne se trompait pas. En 1748, le commerce du bois rapportera cinquante-sept mille livres et, en 1750, cent quatre-vingt mille. Plus près de nous, quand, en 1902, Saint-Pierre de la Martinique sera dévasté par un tremblement de terre, la Louisiane enverra aux sinistrés des milliers de planches de cyprès.

    L'ambiance coloniale
    En septembre 1723, alors que la construction de La

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