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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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associée à l'épidémie annuelle de fièvre jaune, tuait chaque jour des gens qui ne recevaient pas de soins.
    Au cours des années qui vont suivre, les Louisianais les plus aisés, hauts fonctionnaires et concessionnaires des grands domaines, ne souhaitent que se donner confort et agrément. Les maisons que l'on construit à partir de 1732 sont souvent faites de brique confectionnée avec le limon argileux du Mississippi que les esclaves tassent dans des moules de tôle et cuisent dans les fours de la briqueterie de M. Dubreuil, à moins que le soleil ne soit assez fort pour les sécher à moindres frais. Le commissaire ordonnateur Edmé Gratien Salmon, ayant vu, comme d'autres habitants de La Nouvelle-Orléans, sa résidence inondée et ses papiers trempés par la pluie pendant l'ouragan de 1732, a exigé, pour abriter ses archives, une construction plus étanche. Comme il a aussi perdu une partie de son vin, qui souffre plus encore des chaleurs de l'été que des inondations, il a fait construire aux frais de l'État, pour deux mille six cent quarante livres, une coquette maison de brique à un étage, pourvue d'une cave voûtée. Les papiers de la colonie sont au sec et le vin que le commissaire ordonnateur fait venir de Bordeaux, car le bourgogne voyage mal, peut maintenant vieillir en toute sécurité !
    Tandis que sous les hangars des indigoteries les esclaves foulent dans des cuves les feuilles et les tiges cuivrées de l' indigo amil , arbrisseau décrit par Alexandre, le botaniste de la Compagnie des Indes, pour en extraire la fécule colorante qui teindra les uniformes des soldats du roi de Prusse, la culture du coton se développe. Les planteurs les plus avisés commencent à utiliser le moulin à égrener inventé par l'Anglais Isaac et que le père Beaubois a perfectionné. D'autres exploitants, plus modestes, font encore égrener le coton à la main par les « petites négrittes » habiles à filer au rouet la fibre immaculée « aussi soyeuse que celle d'Égypte ». Le tabac de Louisiane a maintenant acquis une réputation égale à celui de Virginie et M. de Montplaisir, dont la concession du bayou Saint-Jean est citée en exemple, a fait venir de la Manufacture des tabacs de Clérac, en Saintonge, une trentaine d'ouvriers qui encadrent ses travailleurs noirs. Au rythme des saisons, ces derniers plantent, sarclent ou cueillent les grandes feuilles de la variété à fleur rouge que les savants nomment Nicotiana macrophylla . Antoine Simon Le Page du Pratz, ingénieur, cartographe et officier français, né aux Pays-Bas, arrivé en Louisiane en 1718 et marié selon la mode indienne à une jolie Chitimacha, s'intéresse à la préparation du tabac. Il a découvert que, séchées, les feuilles du sumac, qu'il préfère appeler Rhus typhina , adoucissent l'âpreté de l'herbe à Nicot, alors que macérées dans le vinaigre elles en exaltent le parfum. Stimulés par M. Louis Prat, médecin et homme d'affaires qui investit judicieusement dans l'agriculture, les propriétaires veillent maintenant à défendre, à coups de fusil, la graine verte du cirier, tant appréciée des oiseaux. Ils la recueillent et produisent une cire végétale translucide dont on fait, à Paris, des chandelles odoriférantes.
    Le transport de ces produits des concessions à La Nouvelle-Orléans, port d'exportation, crée sur le Mississippi et ses tributaires, comme sur les bayous et les lacs, un trafic incessant. Les bateliers ne chôment pas, et qui, des berges, voit passer barques, canots ou pirogues chargés à ras bord de maïs, de patates douces, de boucauts de tabac, de sacs d'indigo ou de balles de coton peut croire que la Louisiane est un pays prospère. L'impression est, hélas ! trompeuse et M. de Bienville, assisté du commissaire ordonnateur Salmon, se demande toujours comment il bouclera le budget, qui approche un million de livres par an. Trompeur serait aussi le sentiment que l'on se trouve dans une contrée uniformément peuplée. La majorité de la population est concentrée dans la basse Louisiane, entre Pointe-Coupée et La Nouvelle-Orléans. Le recensement de 1735 – peut-être est-ce le premier du genre ? – révèle que vivent dans la colonie 2 450 Français et 4 225 esclaves noirs. Parmi ces recensés 799 Blancs habitent La Nouvelle-Orléans avec 965 esclaves noirs et 26 esclaves indiens. Ces chiffres, qui ne tiennent pas compte des effectifs militaires – plus d'un millier d'hommes

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