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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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limon que déposent les rivières en regagnant leur lit après les crues fréquentes. Ils sont censés surveiller les Indiens du voisinage.
    La colonie ne possède pas une armée de qualité. La discipline est relâchée, les désertions sont quotidiennes et les officiers des postes isolés ne pensent qu'à aller se distraire à La Nouvelle-Orléans où l'on trouve de bonnes tables, des salons où l'on danse, d'autres où l'on joue et partout des femmes charmantes qui s'ennuient. La défense de la Louisiane est assurée par treize compagnies françaises et une suisse, soit, au total, neuf cents soldats. C'est peu et la plupart de ces militaires ne sont pas satisfaits de leur sort. Il arrive même qu'ils se mutinent quand la soupe n'est pas bonne. C'est ainsi que, le 11 juillet 1745, le soldat Braude, appartenant à la compagnie Gauvrit, en garnison à La Nouvelle-Orléans, refusa de manger le pain servi à la troupe en disant qu'il n'était pas bon à donner aux chiens. Le commandant Étienne de Bénac le fit aussitôt arrêter et traduire devant le tribunal militaire comme mutin. Deux jours plus tard eut lieu le procès, au cours duquel cinq témoins furent appelés contre Braude : deux sergents, deux simples soldats et le lieutenant Favrot. Tous confirmèrent que Braude avait refusé de manger le pain de la cantine, ce que le prisonnier reconnut sans tergiverser. Condamné à mort, Braude fut exécuté trois jours plus tard. D'autres soldats, qui avaient refusé le pain, ne furent pas poursuivis et l'on considéra la mutinerie comme terminée. M. de Vaudreuil, qui voulait rétablir dans sa minuscule armée le respect de la discipline, avait exigé de la justice militaire rigueur et promptitude. Le gouverneur sut aussi mettre un terme à certains trafics sur les farines. Le pauvre Braude n'était pas en terre depuis deux jours que le pain servi aux soldats devint mangeable.
    Le recensement des guerriers indiens, qui eut lieu à la même époque, fait apparaître des effectifs bien supérieurs à ceux de l'armée française. Les Arkansa peuvent mobiliser deux cent cinquante guerriers, les Illinois quatre cents, les Missouri cinq cents, les Chaouanon deux cents, « toutes nations affectionnées aux Français », assure-t-on au gouverneur. Parmi celles dont l'alliance reste toujours aléatoire figurent les Chitimacha, les Colapissa, les Ouma, les Tunica qui comptent, en tout, cent vingt guerriers. Dans les territoires situés à l'intérieur des terres, sur la rive droite du Mississippi, les Chacta disposent de quatre mille guerriers, les Chicassa de cinq cents. Les Alabama, Abeca, Talachoupa, « tous parents ou alliés considérés comme une seule nation », peuvent aligner deux mille guerriers dont une partie paraît favorable aux Anglais. Les Chéroké, avec six mille guerriers, sont tous « très attachés aux Anglais qui ont des postes parmi eux jusque sur la rivière Chéroké ». Du côté de Mobile, les Biloxi, les Appalache, les Taensa et ces Indiens que les Français nomment Mobiliens comptent deux cent cinquante guerriers, tous fidèles à la France et parfois même chrétiens.
    Commentant ces statistiques, M. de Vaudreuil écrit : « Les Anglais sont séparés de ces nations par les montagnes des Appalaches dont la traversée est extrêmement difficile, ce qui ne les empêche point de venir, avec des chevaux chargés, jusqu'à trois lieues du fort français des Alibamons 5 , et jusque chez les Chicassa et les Chéroké. On ne peut bien gouverner les Sauvages que par la crainte et l'intérêt et encore plus par l'intérêt que par la crainte. […]. Quoique ces nations continuent à être sauvages, elles ne sont point aussi errantes qu'autrefois et elles commencent à se laisser gagner par le goût de la propriété, ayant des chevaux, des bestiaux, des cochons et des volailles, ce qui les oblige à une vie plus sédentaire. »
    Ces lignes d'un homme intelligent, qui sut voir l'évolution des mœurs et mentalités indiennes sous l'influence de ce que la vanité européenne proclamait civilisation, prouvent que l'eau-de-vie, dont les Blancs abreuvèrent les indigènes d'Amérique et d'ailleurs, ne fut pas la seule arme insidieuse dont ils usèrent pour asservir une race d'hommes libres, en harmonie avec la nature primitive. En dispensant des cadeaux destinés à créer des besoins nouveaux, en développant chez les Indiens « le goût de la propriété », en remplaçant le troc ancestral par

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