Au Pays Des Bayous
Nouveau-Mexique, constituent la population locale. Pour le moment, les rapports entre Français et Espagnols sont bons. Les deux partis ont oublié la petite guerre qu'ils se sont livrée dans le golfe du Mexique, en 1719, quand la France et l'Espagne se disputaient encore la jouissance du littoral et que Pensacola changeait de main tous les six mois. Chacun étant revenu sur ses positions en 1720, on vit maintenant en bonne intelligence, de part et d'autre d'une frontière que personne ne s'est jamais soucié de définir. Les relations commerciales sont fréquentes et les officiers des deux puissances échangent les déserteurs de leurs armées. Riz, maïs, tabac et élevage de bestiaux – on compte deux cents huit bovins et trois cent cinquante cochons – assurent une relative prospérité à l'établissement français, fondé en 1714 par Juchereau de Saint-Denys.
De Pointe-Coupée jusqu'au poste des Natchez, à quatre-vingt-dix lieues de La Nouvelle-Orléans, on ne rencontre aucun établissement. Celui des Natchez, sur la rive droite du fleuve, a perdu son importance depuis le massacre de 1729. Il y reste huit habitants avec une quinzaine de Noirs « qui ne pourraient s'y soutenir s'il n'y avait une compagnie de cinquante hommes ». On y cueille le meilleur tabac du pays, mais en petite quantité faute de bras.
Sur la rive gauche du Mississippi, au-delà du pays des Natchez, à cent soixante lieues environ de La Nouvelle-Orléans, l'établissement des Arkansa, situé au confluent du fleuve Arkansas qui tire son nom de la tribu indienne propriétaire du territoire, compte douze habitants, une dizaine de Noirs et vingt soldats. Les Français, dont la chasse, la pêche, la salaison des viandes, le commerce du suif et de l'huile d'ours sont les occupations principales, cultivent un peu de tabac, à la fois pour leur usage personnel et pour en vendre aux voyageurs. L'établissement le plus éloigné, à quatre cents lieues de La Nouvelle-Orléans, est celui des Illinois. En ligne droite, la distance n'est que de deux cent cinquante lieues, mais les sinuosités du Mississippi sont telles, le courant si rapide, qu'il faut trois mois aux bateaux pour remonter jusqu'au poste. En revanche, dix jours suffisent pour descendre à La Nouvelle-Orléans. Trois cents Blancs, six cents Noirs et soixante-quinze esclaves indiens, répandus dans des villages, cultivent du froment qui fournit une excellente farine. L'élevage est prospère, deux cents chevaux, près de mille bêtes à cornes, mille quatre cents cochons, trois cent cinquante chèvres. Une saline fournit, en sel cristallisé sur place, la colonie et une partie de la province voisine du Canada. Plusieurs mines de plomb sont en exploitation.
Sur le Missouri existent deux établissements français. L'un à quatre-vingt-dix lieues du confluent de ce fleuve avec le Mississippi et à cent lieues du poste des Illinois, l'autre situé sur l'Ouabache « qui prend le nom de Belle-Rivière après sa réunion avec l'Ohio et de là se rend dans le Mississippi ». Le premier poste ne compte qu'une vingtaine d'habitants blancs et dix Noirs, le second une quarantaine de Blancs et cinq Noirs. Ces isolés vivent de la chasse et de la pêche, cultivent du maïs et du tabac pour leur propre consommation.
Au sud, sur le littoral du golfe du Mexique, on trouve d'autres établissements. Au confluent de la Mobile et de la Pascagoula, à dix lieues de La Nouvelle-Orléans, sont installés dix Blancs et soixante Noirs qui produisent du riz, du tabac et élèvent des vaches. Ils envoient beurre et fromage à Mobile. À soixante lieues de La Nouvelle-Orléans, cette agglomération, qui fut la première de la colonie, reste relativement importante. Située à l'embouchure de la rivière qui lui a donné son nom, elle compte cent cinquante colons, autant de soldats et deux cents Noirs. On y récolte du riz, de l'indigo et du maïs. Pour le chantier naval de l'île aux Vaisseaux, les esclaves fabriquent du brai, du goudron, débitent les arbres en planches. Sur la Tombekbé, à cent lieues du confluent de cette rivière avec la Mobile, une garnison de soixante-dix soldats occupe un fort de pieux et subsiste en cultivant maïs et légumes, en chassant ou pêchant. Un autre fort, tout aussi rudimentaire, construit sur la rivière Alabama, est tenu par quatre-vingt-dix militaires, plus cultivateurs que soldats. La plupart sont mariés et exploitent des parcelles rendues très fertiles par le
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