Au Pays Des Bayous
apprendre le service de la marine (Bescherelle, 1867).
4 De nos jours : Red River.
5 Alabama.
6 Dumont de Montigny, qui vécut vingt-deux ans en Louisiane, précise le statut particulier du berdache, homme-femme, chez les Natchez : « Ce qu'il y a de certain, et quoiqu'il soit vraiment homme, est qu'il a la même parure et les mêmes occupations que les femmes : il porte comme elles un jupon au lieu d'un brayet, comme elles il travaille à la culture des terres et tous les autres ouvrages qui leur sont propres. » Mémoires historiques sur la Louisiane , Bauche, Paris, 1770.
2.
Imbroglio franco-espagnol
Un baron dans la tourmente
Le 24 janvier 1753, le Chariot-Royal , parti de Brest le 17 novembre, mouilla l'ancre face à l'île de la Balise. À bord de ce vaisseau, lourdement chargé, qui avait mis soixante-six jours pour traverser l'Atlantique, se trouvait le dernier gouverneur de la Louisiane. Louis Billouart, baron de Kerlérec, ignorait que Clio lui réservait ce rôle dans l'histoire coloniale de la France. Pour ce Breton 1 , le gouvernement d'un si vaste territoire du Nouveau Monde constituait la plus enviable des promotions. Car, à la veille de ses cinquante ans, Kerlérec avait passé plus de temps en mer que sur terre. Il avait néanmoins pris le temps d'épouser, en 1738, Marie-Josèphe Charlotte du Bot, dont la famille, depuis huit générations, avait fourni trois pages aux rois de France et de nombreux officiers à la marine royale.
Fils de Guillaume Billouart, sieur de Kervasegen, Kerbernez, Penarun et autres lieux, secrétaire du parlement de Bretagne, anobli en 1723, Louis ne voulait être que marin. À quatorze ans, il naviguait déjà ; à seize ans, il avait participé à trois campagnes à la Martinique, à Saint-Domingue et, dans le golfe du Mexique, à bord de la Victoire , un des trois navires envoyés de France avec Le Moyne de Sérigny pour s'emparer de Pensacola, pendant la petite guerre contre les Espagnols. L'adolescent avait connu la tempête qui démâte les nefs, humé l'haleine des biscayens, entendu craquer les plats-bords frappés par les boulets, senti le frôlement des haches d'abordage. On l'avait vu garde-marine entre 1721 et 1751, midship sur le Dromadaire , capitaine du cargo Flore , aide-major sur l' Aimable , chasseur de pirates sur l' Amazone , officier de fusiliers sur la Somme , garde-côte sur la Gloire , officier de pont sur l' Avenir , le Triton , l' Astrée , l' Élisabeth et la Parfaite , second lieutenant sur le Superbe , que commandait M. de Rochambeau, major sur le Mars , premier lieutenant sur le Neptune . Sa carrière avait failli se terminer sur ce bateau, le 17 octobre 1747, à cinq cents kilomètres au large de Brest, au cours du fameux combat contre la flotte de sir Edward Hawke, que les marins ont retenu sous le nom de bataille de M. de L'Étenduère, commandant du Neptune . Grièvement blessé au pied et au dos, fait prisonnier, conduit en captivité à Spithead, Kerlérec n'avait regagné la France qu'en 1750 pour recevoir la croix de Saint-Louis et le commandement de la Favorite , frégate de quarante canons chargée de veiller à la sécurité des côtes de Saint-Domingue. En nommant, en février 1752, ce marin breton gouverneur de Louisiane, le roi récompensait un brave et déléguait, pour le représenter dans la colonie, un parfait patriote. Rien n'indiquait que celui-ci fût doué pour l'administration, et d'ailleurs il ne l'était pas !
Quand, le 9 novembre 1753, sur la place d'Armes, à La Nouvelle-Orléans, le marquis de Vaudreuil remit, devant le front des troupes, ses pouvoirs au baron de Kerlérec, la population assemblée eut le sentiment, peut-être pour la première fois dans l'histoire farcie d'intrigues de la colonie, que la relève de l'autorité s'accomplissait dans les règles, dans le calme, dans la concorde. Les deux hommes s'estimaient réciproquement, le partant était enchanté de partir, l'arrivant d'arriver. Le marquis ignorait que le gouvernement général du Canada, auquel il aspirait depuis si longtemps, le conduirait à céder cette terre si française aux Anglais, le baron ne se doutait pas qu'il serait contraint de livrer aux Espagnols celle, non moins française, dont le roi venait de lui confier la régence. Ainsi se croisent parfois, dans un climat serein, les destins des gentilshommes avant que se déchaîne la tourmente d'une guerre. Ainsi l'Histoire met en scène des personnages auxquels
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