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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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de prise de possession de la Louisiane des mains du comte de Frontenac.
    À Paris, M. de La Salle constata que ses amis lui étaient restés fidèles et que bon nombre de gens éclairés appréciaient à leur juste valeur ses découvertes, maintenant officiellement révélées, et l'encourageaient à poursuivre. Il devint, grâce aux salons et aux journaux, le paladin du moment. Le Mercure galant rendit compte à sa manière des aventures du gentilhomme : « Il a vu diverses nations barbares. Comme il possède dix sortes de langues de ce pays-là, il a eu moyen de reconnaître leur religion et leur police. La plupart adorent le soleil et l'esprit qui le gouverne. Les hommes vont nus. Pour les femmes mariées, on les oblige à une conduite exacte et on leur coupe les oreilles et le nez quand on les surprend dans quelque faute 7 . » Ce genre de commentaire avait de quoi donner de délicieux frissons aux Parisiennes dont les infidélités conjugales ne connaissaient pas d'aussi cruelles sanctions !
    À la demande de Seignelay, le roi reçut, en toute discrétion et fort aimablement, la vedette du jour. Louis XIV, en deuil de la reine Marie-Thérèse, morte le 30 juillet, devait porter, ce jour-là, un justaucorps violet et une cravate sobre, tenue choisie pour marquer son récent veuvage. Comme tous les maris qui ont abondamment trompé leur femme, le souverain témoignait d'une grande déférence au souvenir de la sienne, bien que l'on racontât déjà qu'il avait, dès le mois de septembre, secrètement épousé Mme de Maintenon. À Versailles, où l'on commençait la construction de l'aile nord du château, Cavelier fut écouté comme devaient l'être les conquistadores quand ils réapparaissaient à la cour d'Espagne après une heureuse expédition.
    Rien ne transpira de l'entrevue royale et les courtisans indiscrets, comme les amateurs de ragots, en furent pour leurs frais. On vit cependant, en peu de jours, les effets de cet échange de vues. Non seulement le roi accorda immédiatement à Cavelier réparation des préjudices causés en ordonnant à La Barre de restituer sur-le-champ à leur propriétaire les forts confisqués, mais il délivra, le 14 mars 1684, de nouvelles lettres patentes nommant M. de La Salle « gouverneur de toutes les contrées de l'Amérique septentrionale soumises et à soumettre du fort de Saint-Louis des Illinois jusqu'à la Nouvelle-Biscaye », c'est-à-dire les possessions espagnoles bordant le golfe du Mexique. La commission donnait aussi pouvoir à l'explorateur de commander tant aux Français qu'aux Sauvages de ces régions et de nommer les gouverneurs et commandants. Si Cavelier avait rêvé un jour de posséder un duché, il pouvait être satisfait au-delà de ses espérances : Louis XIV venait de le faire, en trois phrases, vice-roi d'Amérique.
    Ayant obtenu l'agrément du souverain et fait taire ses détracteurs, il dépêcha le major La Forest en Nouvelle-France pour reprendre le contrôle du fort Frontenac et transmettre à Tonty l'ordre de rassembler tous les Indiens qu'il pourrait enrôler près du fort Saint-Louis des Illinois. Comme le colonisateur – il mérite dès à présent ce titre – l'avait proposé au roi, il s'agissait en effet de constituer une armée de quinze ou vingt mille Sauvages, encadrés par des soldats venus de France et de robustes boucaniers recrutés à Saint-Domingue. Cette troupe permettrait de monter une expédition guerrière contre les Espagnols et de leur dérober le Mexique, dont la capitale comptait alors plus de cent mille habitants. Le projet pouvait paraître fou et, en tout cas, téméraire, mais la France était alors puissante et redoutée de l'Espagne, ce qui encourageait une telle entreprise. Charles II avait déjà dû abandonner à Louis XIV la Franche-Comté et une partie de la Flandre et il s'apprêtait à signer un traité accordant, pour vingt ans, Strasbourg à la France, en échange de Courtray et de Dixmude 8 . Il ne saurait pas mieux défendre sa colonie mexicaine que ses possessions européennes, pensait-on avec optimisme à Versailles. Le maréchal de Bellefonds n'était-il pas entré à Gérone en mars, au moment où le roi de France signait les nouvelles lettres patentes de Cavelier de La Salle ?

    Les années d'errance
    Fort de ses nouveaux privilèges, et cette fois-ci de l'appui du roi et de l'État, Cavelier de La Salle s'embarqua pour la Louisiane le 24 juillet 1684. Il disposait d'une

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