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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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meubles, d'outils et de munitions, avait été saisi par les Espagnols, comme Jérémie il se tourna vers le mur de sa chambre et se mit à délirer. Son frère, l'abbé Cavelier, le croyant perdu, lui fit porter la communion, ce qui, sans doute pour l'édification des libertins, le calma et fit tomber la fièvre.
    Quelques jours plus tard, bien que très affaibli, M. de La Salle reçut le gouverneur de l'île et prépara le départ de la flottille. Après cette longue escale à Saint-Domingue, on mit à la voile le 25 novembre. Cette fois-ci, Cavelier, qui avec le commandant des îles reprochait à Beaujeu la perte du Saint-François , parce qu'il n'avait pas attendu ce vaisseau, trop poussif à son gré, embarqua sur la flûte l' Aimable avec ses officiers.
    Les bateaux risquaient de se perdre de vue, Beaujeu n'ayant sans doute pas l'intention de tenir compte du message envoyé par Cavelier qui lui demandait de ne pas forcer l'allure. L' Aimable était en effet incapable de suivre le Joly . On s'était donc donné rendez-vous, par 28 degrés 20 minutes, dans la mer Vermeille, point le plus proche, selon M. de La Salle, de l'embouchure du Mississippi.
    Après être passés au large de Cuba, les navires regroupés entrèrent ensemble dans le golfe du Mexique, mais, à partir de là, personne ne sut plus se diriger. Ni M. de La Salle ni Beaujeu ne distinguèrent la baie de la Mobile, devant laquelle ils défilèrent dans la brume sans ralentir. Quelques jours plus tard, on vit par chance, sur une pointe, des feux allumés par des Sauvages et Cavelier se crut près du but, imaginant qu'il s'agissait des Appalache. Or les Indiens, très courtois, qu'on amena à bord parlaient une langue incompréhensible à La Salle qui en connaissait cependant beaucoup. Ils donnèrent à entendre, avant de rentrer chez eux comblés de cadeaux, que le Mississippi coulait plus loin vers l'ouest alors qu'il se trouvait à l'est. La flottille ayant déjà dépassé l'embouchure du fleuve noyée dans le brouillard, il eût fallu rebrousser chemin, ce qu'on ne fit pas. Le 5 février, M. de La Salle, qui avait repéré une baie et souhaitait se débarrasser au plus vite de Beaujeu, demanda qu'on fît débarquer la troupe que lui avait donnée le roi de France. Dès que celle-ci eut mis pied à terre, on prit la direction de l'ouest, s'éloignant ainsi du fleuve recherché. Beaujeu, goguenard, conduisant la flottille, longeait la côte en suivant à la longue-vue la progression des explorateurs.
    Le 16 février, M. de La Salle, étant arrivé au bord d'une baie plus large que celle où il avait débarqué et qu'il prit, nouvelle erreur, pour un des bras du Mississippi, organisa un campement de fortune au milieu des roseaux. Il décida d'attendre la livraison des fournitures et des provisions qui se trouvaient à bord de la flûte. Malchance, étourderie ou manœuvre stupide, l' Aimable , poussée par un fort vent d'est, s'échoua. Il fut impossible de décharger toute la précieuse cargaison avant l'arrivée d'une violente tempête.
    Au petit jour, la silhouette de la flûte, dont on avait dû, la veille, abattre les mâts pour réduire la prise au vent, ne se détachait plus sur le ciel laiteux. Pendant la nuit, le navire avait été englouti. Quelques barriques de vin se dandinaient ironiquement sur les vagues. Les Indiens, qui avaient observé les péripéties du naufrage, pillèrent discrètement l'épave. Leurs femmes se taillèrent des robes dans les pièces de tissu dérobées.
    Ce fut un rude coup pour le moral des hommes, et l'humeur de M. de La Salle s'en trouva singulièrement aigrie. Il advint encore, pour rendre plus détestable l'accueil d'une terre aux charmes tant vantés, que des Français qui avaient emprunté sans autorisation des canots aux Indiens furent attaqués par ces derniers. Deux soldats périrent et le neveu de Cavelier, le jeune Moranger, regagna le camp avec une flèche dans le bras. Déjà, certains déprimés ne pensaient qu'à rembarquer sur le Joly et rentrer en France. L'ingénieur Minet et le sulpicien Esmanville étaient du nombre.
    Ainsi, le 5 mars 1685, ayant manqué les bouches du Mississippi, Cavelier installa sa base dans une baie que les Français nommèrent Saint-Bernard et dont on sait aujourd'hui qu'elle est la baie de Lavaca, située au fond de Matagorda Bay, à plus de cent cinquante kilomètres à l'ouest de Galveston, au Texas. L'explorateur égaré se trouvait donc à environ six

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