Au Pays Des Bayous
depuis 1513, malgré les convoitises de la France et de l'Angleterre.
En 1565, les Espagnols avaient massacré un grand nombre de colons français, en majorité luthériens, qui s'étaient exilés en Floride pour fuir les persécutions dont ils étaient l'objet et y créer un établissement à Matanzas. La France n'avait pas réagi à cette tuerie. Seul le capitaine Dominique de Gourgue avait décidé, en 1567, « de venger l'insulte faite au roi de France » par ses propres moyens. Il avait repris pied en Floride avec quatre-vingts arquebusiers, détruit deux forts espagnols avec l'aide des Indiens et « branché », c'est-à-dire pendu haut et court, aux mêmes arbres qui avaient servi au supplice des Français, les bourreaux espagnols. « Cette exécution ayant été faite, le capitaine, qui avait fait ce pour quoi il avait entrepris le voyage, délibéra de s'en retourner… »
Chassés un moment par les corsaires de sir Francis Drake qui brûlèrent leur établissement de San Agustín en 1586, les Espagnols se réinstallèrent dès le départ des assaillants. En 1690, ils occupaient encore plusieurs sites de la vaste péninsule qui couvre le territoire compris entre Savannah, sur l'océan Atlantique, aujourd'hui port de Georgie, la pointe de Key West et, sur le golfe du Mexique, la baie de la Mobile. La chaîne des Appalaches, qui s'étire sud-ouest - nord-est, constituait une frontière naturelle entre la possession espagnole et la Louisiane d'une part, la Floride et la Caroline, colonie anglaise, d'autre part.
Les Espagnols étaient aussi présents sur la côte du Pacifique où ils tenaient la longue et large bande de terre fertile qu'ils avaient appelée Californie, du nom d'une île imaginaire et paradisiaque inventée par l'écrivain espagnol Garcia Ordoñez de Montalvo en 1510. Les jésuites et les franciscains y maintenaient des missions qui avaient pour ambition de convertir les Indiens et d'organiser la colonisation de la région où se rendaient, à partir de la Nouvelle-Espagne, des familles de colons avec leurs troupeaux.
Les Espagnols comme les Anglais avaient donc une avance considérable sur les Français dans la colonisation de leur part d'Amérique. Sitôt la paix de Ryswick signée, Louis XIV allait enfin réagir à la menace britannique et même investir personnellement trois cent mille livres dans une redécouverte de la Louisiane. Deux événements allaient ranimer l'intérêt des Français pour cette colonie négligée pendant dix ans.
Le cas Hennepin
À la fin de l'année 1678, Cavelier de La Salle, qui savait utiliser les compétences, les enthousiasmes et les ambitions de ceux qui souhaitaient se mettre en valeur, avait envoyé le récollet Louis Hennepin, le capitaine La Motte-Lussières et quinze hommes au pays des Illinois. Ce groupe avait pour mission de préparer l'exploration qu'il projetait et surtout de repérer, sur la rive sud du lac Érié, un lieu propice à la construction d'un grand bateau, le Griffon . On sait quel fut le destin de ce navire et la déconvenue qu'éprouva La Salle du fait de sa perte. Celle-ci eut pour conséquence majeure de retarder de deux années le grand raid du Normand vers le delta du Mississippi.
Hennepin et La Motte s'étant bien acquittés de leur mission en 1678 et 1679, l'explorateur confia, en 1680, au récollet et à deux autres de ses hommes, Accault et Picard du Gay, une reconnaissance du haut Mississippi. Le père Hennepin s'engagea, semble-t-il, à contrecœur dans cette nouvelle randonnée, mais, le 20 février, le religieux et ses compagnons prirent le chemin du sud-ouest, atteignirent le fleuve Illinois et le descendirent malgré les avertissements des Indiens du même nom, qui redoutaient pour leurs amis blancs une rencontre avec des Sioux vindicatifs. Les voyageurs entrèrent cependant sans encombre dans le Mississippi, qu'ils remontèrent pour suivre les ordres de La Salle, alors que le récollet aurait préféré le descendre, comme autrefois Marquette et Joliet, et ajouter ainsi au palmarès de son ordre une découverte que Robert le Conquérant entendait bien se réserver. L'expédition avait déjà dépassé le confluent du Wisconsin quand, le 11 ou le 12 avril, deux cents Sioux, revenant de guerroyer contre les Miami, firent prisonniers les trois hommes avec l'intention de les conduire dans leur territoire à l'est du lac Supérieur. Les Sioux aimaient se faire servir par des esclaves blancs, ce qui n'était
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