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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l'Histoire enregistrera.
    Or, dans le même temps, Robert Cavelier de La Salle adressait aussi régulièrement que le permettaient les communications maritimes de copieuses lettres à son ami l'abbé Claude Bernou, spécialiste de la rédaction de mémoires scientifiques ou d'exploration destinés à la cour. Ce « nègre » en soutane était un ami d'Eusèbe Renaudot, orientaliste, membre de l'Académie française et surtout fils de Théophraste Renaudot, fondateur, en 1631, de La Gazette . Avec son frère Isaac, Eusèbe Renaudot assurait la publication du journal paternel, dont l'abbé Bernou était l'un des collaborateurs. En adressant à Bernou ces lettres-rapports, Cavelier de La Salle préparait le récit de ses explorations afin que la cour fût informée au plus vite des résultats de ses recherches. Par chance, toutes les lettres de l'explorateur à son « nègre » ont été retrouvées et l'on sait comment, à partir de ces récits, l'abbé Bernou rédigea sa Relation des découvertes et des voyages du Sieur de La Salle . Ce document fut remis au ministre de la Marine, le marquis de Seignelay, avant que le fondateur de la Louisiane ne vienne en France, en décembre 1683, recueillir les lauriers du triomphe. Mais, au cours de l'été 1682, après que l'abbé Bernou eut été avisé de la réussite de l'expédition de Cavelier, l'explorateur, qui savait le père Hennepin présent à Paris, avait écrit à son scribe pour l'inviter à prendre contact avec le récollet. Ce dernier pourrait lui donner des détails sur son propre voyage dans le haut Mississippi, sa captivité chez les Sioux et compléterait les observations envoyées de Louisiane. En mettant ainsi Hennepin « dans le coup », La Salle entendait, non seulement utiliser les informations recueillies par le prêtre, mais aussi prévenir une critique que le récollet et ses compagnons d'expédition auraient été en droit de formuler à l'égard de leur chef.
    Il avait en effet été prévu, en février 1680, que, si l'absence des trois hommes envoyés dans le haut Mississippi se prolongeait au-delà de la normale, Cavelier déléguerait des gens à leur recherche. Or Hennepin et ses compagnons avaient disparu pendant un an chez les Sioux sans que le seigneur des Sauvages se fût inquiété de leur sort ! La Salle, qui redoutait, semble-t-il, l'amertume et les bavardages de Louis Hennepin, mit l'abbé Bernou en garde dans une lettre datée du 22 août 1682 : « … il faut un peu le connaître, car il ne manquera pas d'exagérer toute chose : c'est dans son caractère ! […] et il parle plus conformément à ce qu'il veut qu'à ce qu'il sait. »
    M. Armand Louant, archiviste honoraire de la ville de Mons, a tiré méticuleusement au clair l'attitude du récollet 13 . Il semble ne faire aucun doute que ce dernier collabora avec l'abbé Bernou pour la rédaction de sa Relation des découvertes et des voyages du Sieur de La Salle . Il ne subsiste aucun doute non plus sur l'étonnante duplicité de ce religieux menteur, hâbleur et vaniteux. Dans le même temps qu'il travaillait avec le collaborateur de La Gazette pour mettre en valeur l'aboutissement des explorations de Cavelier, le récollet rédigeait, d'autre part, le rapport que lui avait demandé la cour en « démarquant » outrageusement, non seulement les lettres de La Salle à Bernou, dont ce dernier avait dû lui donner connaissance, mais aussi certains articles parus autrefois dans la fameuse revue Relations de la Nouvelle-France , dont les jésuites avaient interrompu la publication en 1673 !
    M. Armand Louant, qui a scrupuleusement comparé les textes de la Relation et de la Description , est formel : « Systématiquement, Hennepin usa de la Relation en la déformant. Il supprima dans sa Description tous les passages consacrés aux affaires personnelles de La Salle, mit Frontenac en évidence et se fit passer lui-même pour le chef de l'exploration du haut Mississippi. Il introduisit de nombreux éloges sur l'œuvre des récollets au Canada et sur leur rôle dans l'expédition, mais il passa sous silence l'existence des missions jésuites. Bref, il fit un plaidoyer pro domo  : pour lui-même et pour son ordre. » La publication du texte ayant été autorisée, quel ne fut pas l'étonnement de l'abbé Bernou quand il découvrit que ce qu'il croyait être un rapport confidentiel et complémentaire de celui écrit pour La Salle était un livre vendu chez les libraires,

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