Au Pays Des Bayous
Iroquois. Ces Indiens, ennemis héréditaires des Huron, manipulés et armés par les Anglais qui entendaient bien profiter de la guerre de la ligue d'Augsbourg pour attaquer la France dans ses colonies d'Amérique, constituaient déjà une menace permanente pour la tranquillité des colons de Nouvelle-France. « Les Iroquois descendaient dans la colonie par une rivière qui se décharge dans le fleuve Saint-Laurent, un peu au-dessous du lac Saint-Pierre […]. Ils se répandaient de là dans toute la colonie, et il fallait, pour se garantir de leur fureur, construire sur chaque paroisse des espèces de forts, où les habitants pussent se réfugier à la première alarme. On y entretenait nuit et jour un ou deux factionnaires… », écrit le père Charlevoix 6 .
Par deux fois, en 1690 et en 1692, les Iroquois avaient attaqué le fort de Verchères qui, chaque fois, avait été sauvé par des femmes courageuses dont on racontait, en les embellissant un peu, les exploits guerriers. Lors de la première offensive des Indiens ce fut Mme de Verchères, dont le mari était absent au moment de l'assaut, qui prit en main la défense du fort et força, à coups de fusil, les assaillants à se retirer. Deux ans plus tard, ce fut la fille du chef de poste, âgée de quatorze ans, qui, après avoir enfermé les femmes terrorisées, sous prétexte que leurs gémissements ôtaient le courage aux quelques hommes présents, se déguisa en soldat, courut d'un bastion à l'autre, le fusil à la main, pour stimuler les assiégés et finit par tirer, elle-même, le canon, ce qui mit en déroute les Sauvages ! Mais les vraies menaces pour la Louisiane ne venaient pas des Indiens. Elles résidaient plus clairement dans les convoitises des deux puissances coloniales déjà présentes en Amérique, la Grande-Bretagne et l'Espagne, avides l'une et l'autre d'agrandir leur domaine sur un continent qui n'avait pas encore révélé toutes ses richesses.
« Il y a deux choses principales qui, coutumièrement, excitent les rois à faire des conquêtes, le zèle de la gloire de Dieu et l'accroissement de leur propre. » Ce constat simple mais réaliste avait été fait, dès 1609, par Marc Lescarbot 7 .
Douze colonies anglaises
Celui qui a le goût des comparaisons et veut se donner la peine de considérer les apports européens à l'Amérique du XVIII e siècle est bien obligé de constater que les possessions anglaises, bénéficiant d'une antériorité de fondation, avaient, dans tous les domaines, une considérable avance sur la Louisiane. Grâce à l'octroi de chartes et à une relative autonomie de gestion, elles se peuplèrent très tôt de gens entreprenants, qui tenaient à se faire une place au soleil sans trop attendre d'une lointaine mère patrie.
Au printemps 1682, à l'époque où Cavelier de La Salle, conquistador attardé, dressait avec fierté une colonne fleurdelisée dans le delta du Mississippi, William Penn, le quaker, ayant reçu de Charles II concession d'un territoire situé au nord du Maryland, fondait la « ville de l'amour fraternel », Philadelphie, et jetait les fondements d'un premier frame of government qui servirait plus tard de modèle à la Constitution américaine. En 1690, alors que Jean Cavelier cherchait des commanditaires pour la Louisiane, la Pennsylvanie comptait déjà douze mille habitants.
Tout avait commencé deux siècles plus tôt par le voyage d'un Vénitien patronné par le roi d'Angleterre. En 1497, soit un an après le retour de Christophe Colomb de son deuxième voyage et avant qu'il ne reparte, Henri VII avait autorisé Jean Cabot « à chercher, conquérir et occuper, pour les soumettre à l'autorité royale, toutes les terres jusque-là inconnues des chrétiens ». Cabot atteignit le Labrador la même année, ce qui lui vaut d'être considéré aujourd'hui comme le premier Européen à avoir foulé le sol du Nouveau Monde.
Le pape Alexandre VI ayant, par une bulle du 3 mai 1493, accordé à l'Espagne, alors très puissante, une sorte d'exclusivité partagée avec le Portugal, pour l'évangélisation des terres inconnues, Henri VII ne voulut pas entrer en compétition et peut-être en conflit avec Sa Majesté Catholique. Le voyage de Jean Cabot, renouvelé l'année suivante par son fils Sébastien, n'eut donc pas de suite.
Les Espagnols, nantis de l'autorisation papale, occupèrent les Antilles en 1506 et, en 1519, Hernán Cortés prit pied au Mexique qui, avec les
Weitere Kostenlose Bücher