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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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qui bénéficient de concessions, ne songent qu'à faire exploiter celles-ci par des intendants sachant commander aux esclaves, Indiens d'abord, Noirs plus tard. Les armateurs et les négociants sont assurés de tirer profit des marchandises qu'ils fourniront aux colons et de la bimbeloterie qu'ils offriront aux Indiens en échange de fourrure. Si leurs bateaux reviennent chargés de fret exotique, l'affaire sera encore meilleure.
    Dans son Histoire des États-Unis 8 , Firmin Roz explique ce comportement colonial. « Les Français, installés là où leur gouvernement voulait qu'ils fussent, se contentaient de bâtir des postes frontières sur les lacs et les fleuves, mettaient la main sur les territoires que leur assignaient les ordres du roi, accomplissaient chaque jour, sans se préoccuper d'autre chose, le travail qu'on leur fixait. Ils n'avaient pas vraiment formé des groupements autonomes et bornaient leur ambition à tirer du sol de quoi subsister, ou à vivre de ce que leurs bateaux leur apportaient de France. »
    Et cependant, malgré une absence de politique coloniale cohérente, pugnace et réaliste, la France suscitait crainte et respect chez les Anglais, rivaux directs et déjà bien établis dans le Nouveau Monde. Dans l'introduction à sa biographie de George Washington 9 , Woodrow Wilson, le futur président des États-Unis, alors professeur d'histoire, se livrait à une intéressante comparaison entre les comportements coloniaux des deux nations. « Les Français avaient consacré de longues années à leur tâche, accomplie pour le compte d'un monarque ambitieux. Ce qu'ils avaient créé l'avait été en vertu de principes établis et restés immuables, malgré la succession des ministres et même des dynasties. Les Anglais s'étaient portés en foule et au gré de leur fantaisie vers les côtes du continent. Ils étaient déjà plusieurs dizaines de milliers que les Français n'étaient encore que quelques centaines. Mais ces derniers avaient découvert le magnifique Saint-Laurent, réceptacle des eaux des Grands Lacs et de tout le centre du continent. Leurs postes avaient des garnisons. Les hommes dont ils disposaient, ils les installaient, à chaque étape de leur avance, sur quelque point stratégique d'un lac ou d'un fleuve d'où l'on ne pouvait les déloger sans peine. Leurs vaillants trappeurs, leurs missionnaires intrépides pénétraient partout au cœur des forêts, menant de front commerce et conquête. Si bien que, traversant le bassin de l'Illinois et dépassant le Michigan, ils atteignirent un beau jour les rivières qui coulaient vers l'ouest jusqu'au puissant Mississippi. On expédia des colons à l'estuaire du vaste fleuve, des postes jalonnèrent ses rives, des navires sillonnèrent son cours et les Anglais, ouvrant enfin les yeux, purent voir, à quelque temps de là, une série ininterrompue d'établissements français s'allonger derrière la Virginie et les Carolines, depuis les lacs jusqu'au golfe du Mexique. »
    Ces lignes du futur président des États-Unis, qui devait engager son pays dans la guerre au côté de la France en 1917, prouvent avec le recul du temps que, si la France sut, avec intelligence et audace, conquérir des positions enviables dans l'Amérique du XVIII e  siècle, elle ne parvint pas, en revanche, à faire du territoire de l'immense Louisiane une entité coloniale puissante, comparable aux colonies anglaises.

    Les domaines espagnols
    Les conquistadores du XVI e  siècle avaient donné à l'Espagne un vaste royaume en Amérique du Sud, partie méridionale du continent américain comprenant les terres qui se développent de l'isthme de Panama jusqu'au détroit de Magellan et au cap Horn. En 1690 ils possédaient trois vice-royautés : Tierra Firme 10 , Pérou, Río de la Plata, et des capitaineries générales : Guatemala, Chili, Caracas, Porto Rico. À cela s'ajoutaient, en Amérique du Nord, la Nouvelle-Espagne, État actuel du Mexique, et La Havane. Ces territoires formaient un empire immense et peuplé. Buenos Aires, ville principale du Río de la Plata 11 , abritait six mille trois cent soixante habitants, plus deux mille cinq cents militaires dans quatre cent cinquante maisons et plusieurs casernes. Lima avait une population de quinze mille créoles ou Espagnols, auxquels il convenait d'ajouter quatre mille Noirs. Ces bases puissantes, La Havane notamment, permettaient aux Espagnols de se maintenir en Floride où ils étaient présents

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