Au Pays Des Bayous
tueries que l'on sait, fut soumis à la loi espagnole en deux ans. Si Henri VII s'était montré respectueux des décisions du pape, François I er en tint moins compte et envoya, en 1524, Verrazano dans le sillage du Vénitien Cabot. Le Florentin, après avoir longé les côtes des régions que les géographes nomment aujourd'hui Amérique du Nord, donna le nom de Nouvelle-France aux territoires reconnus. La guerre contre Charles Quint, le désastre de Pavie et, en 1525, la captivité de François I er mirent fin, pour un temps, aux ambitions coloniales françaises. Il fallut attendre les expéditions de Jacques Cartier pour que la France prenne, en 1534, possession du Canada.
En 1524, les Espagnols avaient déjà fondé des établissements en Floride, terre visitée par Juan Ponce de León en 1513. En 1579 et 1580, les Anglais abordèrent à leur tour en Amérique du Nord, dans la région côtière aujourd'hui dévolue à l'État du Maine. Le 17 août 1585, les premiers colons britanniques s'installaient à Roanoke.
La colonisation de l'Amérique du Nord était lancée. Anglais, Espagnols et Français allaient, au cours des deux siècles à venir, se disputer ce continent neuf, peuplé – on a tendance à l'oublier un peu – de centaines de milliers d'Indiens groupés en nations et tribus. Bien que les recensements fassent défaut, les premières estimations chiffrées, fournies par des missionnaires à la fin du XVII e siècle, révèlent, dans le seul secteur des Grands Lacs, la présence de trente-cinq mille Huron et Iroquois et de quatre mille Algonkin. Les études les plus récentes des anthropologues américains permettent de supposer que trois millions d'Indiens vivaient en Amérique du Nord avant l'arrivée des Blancs.
Dès 1603, des Suédois, des Finlandais et des Hollandais avaient fondé des établissements dans la région que couvrent aujourd'hui les États de New York, du New Jersey et du Delaware, mais ces postes, destinés à servir de base aux traitants de fourrure, n'avaient pas connu de développement important.
La Virginie, la plus ancienne des colonies anglaises du Nouveau Monde, symboliquement fondée en 1584 par sir Walter Raleigh, avait reçu sa première charte en 1606 et, l'année suivante, cent quinze colons s'étaient installés en un lieu qu'ils avaient nommé Jamestown. En 1690, au moment où l'abbé Jean Cavelier s'agite à Versailles pour tenter de convaincre le ministre de la Marine de poursuivre l'exploration du territoire annexé par son frère, la Virginie compte déjà cinquante-trois mille habitants.
Avec les autres colonies fondées entre 1620 et 1680 – Massachusetts, Plymouth, Connecticut, New Hampshire, Rhode Island, Delaware, Caroline, Pennsylvanie, New York, New Jersey et Maryland – c'est plus de deux cent mille colons, pour un temps encore sujets du roi d'Angleterre, qui travaillaient à rendre prospères des territoires qu'ils géraient à leur façon, alors que l'on aurait eu du mal à trouver mille Français entre les Grands Lacs et le golfe du Mexique !
Cette étonnante disproportion dans le peuplement, l'organisation, l'exploitation et la rentabilité de colonies situées sur un même continent tient d'abord aux conceptions différentes que se faisaient Anglais et Français de la colonisation. Hors de toute considération politique, stratégique, économique ou humanitaire, ce sont des questions d'éthique et d'amour-propre qui font la distinction. La France affecte le comportement distant et paternaliste du civilisé au grand cœur arrivant chez les bons Sauvages. Il y a de la superbe, presque de la fatuité, dans l'attitude de nos colonisateurs, qui, lorsqu'ils ne sont pas issus de l'aristocratie, ne souhaitent que s'y introduire. On le voit bien quand M. de Rémonville réclame au roi, pour ceux qui se seront bien acquittés de leurs devoirs au sein de la compagnie coloniale qu'il projette de former, « des marques d'honneur qui passeront jusqu'à leur postérité ».
La colonie ne peut être qu'un lieu de passage, une villégiature temporaire, une possibilité de s'enrichir à moindre effort, en tout cas l'occasion de jouir d'une liberté de mœurs et de mouvements ou de voir du pays, parfois l'opportunité de faire oublier quelque frasque commise en métropole. Les militaires y viennent avec l'espoir d'accomplir sans grands risques une action d'éclat contre les Sauvages, ce qui leur vaudra un avancement rapide. Les gens bien en cour,
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