Au Pays Des Bayous
description idyllique de la colonie et affichait un optimisme enfantin quant à son avenir. « Le climat est gracieux, la situation heureuse et son terroir deviendra un des plus fertiles du monde quand il sera cultivé. On y trouvera, avec les soins de l'industrie de ceux qui y passeront, de quoi satisfaire à l'utile et à l'agréable ; il ne faut pour cela que des colons et gens qui sachent mettre en culture. » Il ne s'agissait que d'inciter le ministre de la Marine à convaincre Louis XIV de l'intérêt d'une telle compagnie. Le souverain, ayant en ce temps-là à faire face à une tentative d'invasion de la Provence par les coalisés favorables à Charles III, déjà maîtres de la péninsule italienne, avait alors bien d'autres soucis. C'est sans doute pourquoi l'armateur se faisait pressant et ajoutait : « Le roi ne refusera pas à une compagnie qui formera l'établissement de cette colonie que Sa Majesté a honorée de Son auguste nom, de lui accorder les mêmes avantages qu'Elle a bien voulu accorder à d'autres qui ont fait de pareilles entreprises qui ne sont peut-être pas si utiles que celle-ci sera un jour. » Comme il s'agissait, d'après le solliciteur intéressé, de « renouveler un établissement effacé de la mémoire depuis le naufrage de [sic] défunt sieur de La Salle qui en avait jeté les premiers fondements », il convenait de ne pas lésiner sur les privilèges à accorder à ceux qui se lanceraient dans une entreprise de colonisation d'une telle envergure.
Le projet de M. de Rémonville comporte dix-huit articles visant à faire de la Louisiane une propriété privée. Réclamant des lettres patentes identiques à celles qui ont fondé la Compagnie du Sénégal en 1696, la société chargée de la mise en valeur « du pays de la Louisiane et de ses dépendances » entend détenir « tous les droits de seigneurie directe et justice, des forts, habitations, terres et pays », à charge pour le roi d'entretenir des prêtres, de fournir « quatre vaisseaux de quatre à cinq cents tonneaux, gréés et armés pour le premier voyage ».
La compagnie, qui aura la concession des mines et minières et l'exclusivité du commerce dans tout le pays pendant trente années, construira des forts et nommera les gouverneurs de ces derniers, qui seront pourvus de canons aux armes du roi de France. Toutes les munitions et marchandises de France nécessaires à la colonie seront exemptées de droits et la compagnie bénéficiera en outre de l'autorisation « d'envoyer chaque année deux vaisseaux à la basse Guinée pour y traiter des nègres et les transporter aux lieux de la concession ». Quant aux actionnaires, directeurs et employés de la compagnie, « ils acquerront le droit de bourgeoisie dans les villes du royaume où ils feront leur résidence et s'ils sont nobles ne dérogeront à leur noblesse et privilèges ». Et, comme il vaut mieux se prémunir contre le risque de poursuites pour dettes, les gages et appointements des officiers et employés de la compagnie seront déclarés insaisissables. Enfin, à ceux qui se seront bien acquittés de leurs devoirs, « Sa Majesté accordera des marques d'honneur qui passeront jusqu'à leur postérité ». L'article 18 couronne superbement cette privatisation commerciale à la mode aristocratique : « Sa Majesté donnera à la compagnie un écusson tel qu'il lui plaira pour s'en servir dans les sceaux et cachets, qu'Elle lui permettra de mettre et apposer aux édifices publics, sur les canons et partout ailleurs où elle le jugera nécessaire. »
Pontchartrain avait aussitôt confié le dossier à ceux que nous nommerions aujourd'hui des experts de son ministère. L'un d'eux, M. Nicolas Mesnager, gros négociant, député au Conseil de commerce 8 , donna le 3 juin 1709 un avis favorable quant au principe, mais fit des réserves quant à la capacité des postulants à mener à bien la colonisation de la Louisiane.
« J'ai lu avec attention le modèle des lettres patentes qu'on propose pour l'établissement d'une Compagnie du Mississipi avec les instructions sur cela que M. de La Touche m'a données par votre ordre. J'aurai l'honneur de vous dire, Monseigneur, que la situation du pays, le grand peuple qui l'habite et sa docilité me portent à croire qu'on y peut établir une des plus belles colonies qui fut jamais par rapport à la religion, au Roi et à l'État, car l'Évangile y fera des progrès, Sa Majesté y augmentera le
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