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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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« pleins de gomme, on pourrait faire des manufactures de résine, de godron 9 et de braye 10  », écrit Mandeville.
    Si les premiers colons semblent à chaque instant chercher le moyen de construire des bateaux – canots ou barques, pour naviguer sur les fleuves et rivières, seules voies de communication, et petits voiliers permettant de se déplacer au long des côtes – c'est parce que le bateau est alors, dans ce pays, l'instrument indispensable à tout déplacement.
    Tous les trappeurs, traitants de fourrure ou coureurs de bois, étaient rompus depuis toujours au maniement du véhicule universel de l'Amérique de ce temps-là : le canoë d'écorce de bouleau. Ils y avaient été initiés par les Indiens qui ne pouvaient se déplacer, pêcher, chasser, livrer aux Blancs fruits et légumes, promener leur fiancée au clair de lune ou faire la guerre sans leurs canoës. C'est à bord de ces esquifs, comme le montrent les dessins rapportés par des voyageurs des XVII e et XVIII e  siècles, que les Indiennes allaient chaque année, en septembre, récolter le riz sauvage 11 indispensable à la nourriture de leur famille. Des milliers d'embarcations circulaient donc par tous les temps sur les lacs et les rivières.
    Même si certains détails d'une architecture navale rudimentaire variaient d'une nation à l'autre, voire d'une tribu à l'autre, les matériaux et les méthodes de construction étaient semblables.
    Les grands bouleaux, qui atteignaient parfois quinze ou vingt mètres de haut, abondaient dans la région des Grands Lacs, plus au sud, au pays des Illinois et jusqu'au confluent du Mississippi et de l'Ohio. L'habileté des Indiens pour confectionner leurs embarcations étonnait les Européens, qui, après s'être essayés, souvent sans succès, au même travail, préféraient acquérir un canoë en échange de haches, d'herminettes ou le payer en monnaie d'argent.
    Les Ojibwa, habitant la région comprise entre les lacs Huron et Michigan, passaient pour les plus habiles à détacher au printemps, avec leurs couteaux plats en côte d'orignal, l'enveloppe ligneuse des bouleaux sans la rompre ni la percer. En écorçant un seul arbre sur cinq ou six mètres de hauteur et sur toute la circonférence du tronc ils obtenaient une pièce d'écorce épaisse de cinq millimètres, saine et d'un seul tenant. Cela suffisait pour fabriquer un canoë. Les femmes se chargeaient de coudre et de brider, à l'aide de fines racines de sapin, cette peau végétale sur une légère charpente faite de lattes et de membrures en cèdre blanc. Très habiles, elles savaient rendre étanches les coutures en les enduisant de résine chaude, tandis que les hommes ajustaient les plats-bords et tendaient à l'intérieur de l'embarcation les lattes de cèdre qui assuraient à cette gaine d'écorce une rigidité suffisante, n'excluant pas la relative élasticité qui permettait d'amortir, sans risque de rupture, chocs et remous. Assis dans leur canoë, les Indiens pagayaient pendant de longues heures. Ils chargeaient aisément sur leur dos leur légère monture pendant les portages.
    On croisait aussi, sur les fleuves et les lacs, les grands canots commerciaux dont les artisans canadiens de Trois-Rivières, formés par les Indiens au travail de l'écorce de bouleau, s'étaient fait, depuis peu, une spécialité. Ces embarcations, longues d'une dizaine de mètres, larges d'un mètre cinquante, pouvaient transporter plus de mille kilos de marchandises, distribuées en lots de quarante kilos, poids maximal dont pouvait se charger un homme pendant les portages. Enlevés par une dizaine de pagayeurs robustes, ces canots naviguaient pendant des milliers de kilomètres, transportant à Montréal ou à Québec les pelleteries rassemblées dans les forts, les postes ou les missions par les traitants. Ces mêmes bateliers livraient en des lieux déterminés les objets manufacturés et les produits dont on leur avait passé commande.
    Quelquefois, des pirates indiens attaquaient ces embarcations pour s'approprier les fourrures, qu'ils revendaient à d'autres traitants, ou les outils, les armes et les denrées qui constituaient les cargaisons. Ce genre d'agression donnait toujours lieu à de sanglantes représailles, surtout quand des pagayeurs indiens avaient été tués par des congénères d'une autre tribu.
    Dans le Sud, entre le confluent de l'Arkansas et du Mississippi, région où les bouleaux moins développés n'offraient pas toujours

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