Au Pays Des Bayous
habitués au climat subtropical, comme Bienville et son frère Antoine de Châteauguay, se disaient fébriles pendant de longues semaines et éprouvaient parfois « un flux de ventre » qui pouvait conduire au cercueil en quelques jours. À cela s'ajoutaient les maladies épidémiques qu'apportaient les équipages des bateaux ayant fait escale à Cuba ou à Saint-Domingue.
Les maux dont souffraient les premiers habitants de la Louisiane ont aujourd'hui été identifiés par les historiens-médecins. La fièvre jaune, le typhus, la malaria et le choléra, que les praticiens de l'époque ne savaient pas toujours diagnostiquer, firent le plus de victimes. On redoutait aussi les assauts périodiques d'une quantité de fièvres entre lesquelles il était parfois difficile de faire la distinction, qu'elles fussent chaudes, quartes ou rémittentes. On pâtissait aussi de dysenterie, de gale, de petite vérole, de variole, de scarlatine. La rougeole était fréquente, la peste heureusement plus rare, la lèpre exceptionnelle. En revanche, les colons étaient affligés de toute sorte d'indispositions intestinales bénignes, de la colique de Madagascar aux coliques venteuses, en passant par la colique de Madrid et la colique bilieuse, auxquelles s'ajoutaient toutes les affections du système digestif.
Des bateaux débarquaient de nombreux marins scorbutiques. L'abus des nourritures salées pendant les traversées et le manque de vitamine C étaient, on le sut plus tard, à l'origine de cette maladie très répandue dans la marine à voile. Le tétanos et la gangrène faisaient aussi des ravages, car les blessures n'étaient pas toujours soignées avec un réel souci d'aseptie. Le vocable « maladies d'escales » recouvrait pudiquement les maladies vénériennes, très fréquentes.
En général, les colons souffraient principalement des maladies importées par les pionniers car, avant l'arrivée des Blancs, les autochtones mouraient plus souvent de mort violente, de piqûres de serpents, d'accidents de chasse ou de navigation, de malnutrition, que de maladie. Dès 1656, un négociant hollandais, Adrien Van der Donck, constatait en Nouvelle-Hollande, la future colonie puis État de New York, « qu'avant l'arrivée des chrétiens, et avant que la variole ne se répande parmi eux, les Indiens étaient dix fois plus nombreux qu'ils ne le sont maintenant, et que leur population a fondu sous l'effet de la maladie qui en a tué les neuf dixièmes 5 ».
Les choses ne s'améliorèrent pas au fil des années et, périodiquement, les maladies importées d'Europe causèrent d'immenses ravages dans les populations indiennes. En 1780, les jésuites du Canada reconnurent que deux tiers des Huron avaient succombé à une épidémie de variole.
On sait aujourd'hui que ce sont les Espagnols qui introduisirent la variole en Amérique centrale, car, avant l'arrivée de ces colonisateurs, la maladie était inconnue sur le continent américain, alors qu'elle était diagnostiquée en Europe depuis le XVI e siècle.
M. Robert Swenson, professeur de médecine et de microbiologie à l'université Temple, Philadelphie, spécialiste de l'histoire des épidémies, estime que ce sont des marins de Narváez, atteints de la variole, qui, débarquant en 1520 au Mexique, communiquèrent la maladie aux Indiens.
Si, en 1710, Bienville ne pouvait guère tenir compte de telles considérations, il constatait, chaque jour, l'état sanitaire déplorable de Mobile. Aussi s'était-il mis en quête, avec d'Artaguiette, de nouveaux sites plus salubres. Certains colons courageux avaient déjà pris l'initiative de s'éloigner de l'établissement et découvert de meilleures terres, trouvé un climat plus sain au pays des Colapissa, à une centaine de kilomètres de Mobile, au nord du lac Pontchartrain. Ayant reconnu la région puis parcouru une bande côtière en direction du Mississippi, Bienville préféra un secteur plus proche du littoral et choisit de transférer l'établissement du fort Louis au nord-ouest de la baie que forme l'embouchure de la rivière Mobile. À mi-chemin entre le village qu'on allait abandonner et la mer, le nouveau site paraissait à l'abri des inondations et offrait, dans l'arrière-pays, des terres d'apparence plus fertile. Autre avantage : à partir de là, on se rendait aisément à l'île Dauphine, anciennement île Massacre, dotée d'un havre nommé Port-Dauphin, où quinze gros navires pouvaient trouver un ancrage
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