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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ces habitants-là qui sont actuellement ici ayant abandonné leurs terres parce qu'elles n'ont pas pu produire ni blé ni aucun légume. Le blé reste en herbe sans former de grains. Ils ont essayé de semer tous les mois de l'année sans résultat. Il en est de même aux Natchez à cinquante lieues au nord dans le haut du Mississippi. M. de Bienville m'a dit en arrivant ici qu'il avait semé du blé de la Vera Cruz qui avait produit environ treize gerbes de beau blé. Mais les grains demeurent petits, sans farine et rouillés. Il n'y a que l'écorce sans farine. Le tabac vient ici assez bien sur ce sable noir et blanc, mais on ne peut le conserver à cause de la vermine ce qui a dégoûté les habitants d'en faire. Bien loin d'être en état d'en vendre ils s'en sont pourvus aux navires de celui du Cap ou de La Havane. […] Quoique ce soit une terre couverte de pins on ne saurait pas y trouver, en cent lieues de pays, ceux de grands mâts de navires de cinquante canons. On a eu beaucoup de peine à trouver dans toute l'île Dauphine un mât d'artimon pour le vaisseau de M. Crozat et quelques mâts de hune. »
    Ayant fait ce bilan déprimant, La Mothe-Cadillac examine la population. « Selon le proverbe : méchant pays, méchantes gens. On peut dire que c'est un amas de la lie du Canada, de gens de sac et de corde sans subordination pour la religion et pour le gouvernement, adonnés au vice, principalement aux femmes Sauvages qu'ils préfèrent aux françaises. Il est très difficile d'y remédier lorsque Sa Majesté désire qu'on les gouverne avec douceur et qu'elle veut qu'un gouverneur les conduise de manière que les habitants ne fassent point de plaintes contre lui. Jusqu'à présent ces gens ont demeuré en cet état. Il s'agit de les réformer. De quel œil recevront-ils ce réformateur ? Les moins détraqués raillent leur abbé lorsqu'il leur semble suivre et qu'il leur parle de réforme et leur réaction est toujours fondée sur quelque mauvais prétexte. Je commencerai d'en user par la douceur quoique ce soit, selon moi, avec eux, du temps perdu. En arrivant ici j'ai trouvé toute la garnison dans les bois parmi les Sauvages qui l'ont fait vivre tant bien que mal au bout de leurs fusils et cela faute de vivres non seulement en pain mais même en maïs ou blé d'Inde, la récolte ayant manqué deux années de suite. »
    Le gouverneur, qui n'a pas de quoi se réjouir, reconnaît que le maïs ne se conserve que d'une récolte à l'autre parce que la vermine et une moisissure, le rouge, s'y mettent. Appréciant peu, sans doute, les façons désinvoltes des militaires, La Mothe-Cadillac s'en prend à tous :
    « Messieurs les officiers ne sont pas mieux que leurs soldats. Les Canadiens et les soldats qui ne sont pas mariés avec des Sauvagesses esclaves prétendent ne pouvoir se dispenser d'en avoir pour les blanchir et faire leur marmite ou sagamité, et pour garder leur cabane. Si cette raison était valable elle ne devrait point empêcher les soldats d'aller à confesse, non plus que les Canadiens. En vérité, Monseigneur, je ne puis me dispenser de vous représenter qu'il est de la gloire de Dieu et du service du roi de remédier à un pareil désordre à quoi il ne sera pas aisé de parvenir qu'en logeant les troupes dans le fort, depuis le gouverneur jusqu'au moindre officier, en leur permettant d'avoir seulement des esclaves mâles et non femelles. À l'égard de leur blanchissage on pourra trouver des femmes françaises qui s'en chargeront pour toute la garnison ou à défaut des Sauvagesses en retenant un juste salaire sur le décompte des officiers et des soldats. »
    Comme il faut bien, tout de même, montrer une certaine capacité à l'initiative, le gouverneur ajoute que l'on peut utilement cultiver l'indigo « qui vient parfaitement bien même dans les rues et les chemins » et que l'on doit planter des mûriers et faire de la soie comme les Espagnols, mais qu'il ne faut pas espérer tirer le moindre bénéfice « de ces deux objets seuls capables de faire valoir la colonie » avant une dizaine d'années. « Je ne sais pas si M. Crozat sera d'une si longue patience », commente perfidement le rapporteur, avant de rappeler que ses appointements de 1712 et 1713 ne lui ont pas encore été versés…
    Comme on pouvait s'en douter, les relations entre La Mothe-Cadillac et Bienville manquent de cordialité. Le Franco-Canadien, toujours en situation précaire, puisque son rappel n'a

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