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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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banqueroute spectaculaire devait anéantir, pour les actionnaires confiants, tout espoir de profit à venir des rives du Mississippi et laisser le Trésor public exsangue, on doit cependant à l'Écossais l'ancrage colonial de la France sur un territoire qu'elle possédait jusque-là sans l'exploiter.
    John Law était né à Édimbourg le 21 avril 1671. Sa mère, Jane Campbell, fille de bourgeois à prétentions aristocratiques, appartenait, selon certains biographes, à une branche de la maison des ducs d'Argyll. Son père, William, mort le 25 septembre 1684, orfèvre de profession, s'était enrichi dans le commerce du change. John Law affirmait que, vers 1260, sous le règne d'Alexandre III, roi d'Écosse, un Robert Law, de Lawbridge, possédait des terres seigneuriales et que James Law, baron de Brunton, archevêque de Glasgow de 1615 à 1632, figurait parmi ses ancêtres. Edgar Faure, faisant référence à l'historien anglais John Fairley, rectifie : « Le bisaïeul de Law est bien un homme d'Église, mais simple ministre de la paroisse de Neilston, Andrew Law 1 . » Avec John Law, il sera toujours difficile de cerner la vérité et tous ceux qui se sont intéressés aux origines du futur financier, comme à ses aventures à travers l'Europe, restent dubitatifs. L'Écossais était capable d'affabuler dans le plausible avec modération, et surtout de laisser dire quand cela l'aidait. Le fait que son père, l'orfèvre changeur, ait acheté en 1683, un an avant sa mort, les terres de Lauriston et de Randleston conférait à John, l'aîné de ses descendants, le titre de laird de Lauriston.
    Law exposait les armes afférentes à son titre : « d'hermine à une bande de gueules accompagnée de deux coqs de même posés l'un en chef et l'autre en pointe avec pour cimier une tête de licorne au naturel et en bordure une engrelée de gueule ». La devise des Law, comme leur blason, ne datait pas d'un siècle, mais elle allait au banquier comme un slogan inventé par un publicitaire dans le vent : Nec obscura nec ima . Ce qu'on peut traduire librement par : « Sans obscurité ni dissimulation » !
    Ayant eu dix frères et sœurs, John était l'aîné des fils de l'orfèvre, donc héritier privilégié. Les renseignements recueillis sur le compte de l'Écossais indiquent qu'il s'était montré, depuis son plus jeune âge, extrêmement doué pour les mathématiques. Il résolvait aisément les problèmes les plus compliqués et savait merveilleusement user du calcul mental pour gagner au pharaon et au hasard, ancêtre du craps. Law racontait volontiers qu'il avait lu les traités de John Locke et apprécié, en particulier, les quatre lettres sur la tolérance et l'étude monétaire du philosophe anglais ayant pour titre : Quelques Considérations sur la baisse de l'intérêt.
    Nanti de l'héritage paternel, John Law avait quitté Édimbourg à l'âge de vingt ans, pour faire carrière à Londres, car il ne lui plaisait guère de prendre la suite de son défunt père. La profession était lucrative mais astreignante et l'on s'ennuyait ferme à Édimbourg.
    En fait de carrière londonienne, il avait passé son temps dans les salles de jeu, plus ou moins bien famées, chez les tailleurs, car il devint vite un modèle d'élégance, et, surtout, dans les alcôves des ladies qui, sans avoir lu Locke, se montraient d'une extrême tolérance quant à leurs propres mœurs. Law, dont tous les contemporains s'entendent à louer la perfection physique, grand, blond, regard doux, bouche gourmande, d'une virilité sportive, escrimeur, joueur de paume, avait ainsi vécu confortablement de ses gains au jeu « sans tricher », précisait-il. « Car le hasard est un mythe. Tout peut se résoudre au jeu par le calcul », disait-il à ses partenaires malchanceux. Éloquent et drôle, il plaisait aux femmes et acceptait volontiers les cadeaux de maîtresses fortunées et reconnaissantes. On le disait autant doué pour les gestes de l'amour que pour les mathématiques.
    C'est d'ailleurs une histoire d'alcôve qui l'avait obligé à quitter discrètement l'Angleterre. Au soir du 9 avril 1694, il avait tué en duel, à Bloomsbury Square, Edward Wilson, un dandy rival de vingt-six ans, que l'on disait gigolo professionnel car personne ne connaissait l'origine de ses ressources, assez importantes pour lui permettre de mener un train de vie somptueux. Les mauvaises langues assuraient que, rival heureux du roi George, il était

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