Au Pays Des Bayous
« en la Cour de Parlement de Paris », le Régent mettait un peu d'huile de vanité sur le prurit de carrière de Bienville et prouvait son intérêt pour une famille qui avait si bien servi le roi et la France.
Si Jean-Baptiste Duclos reçut les attributions de commissaire ordonnateur à Saint-Domingue, ce qui constituait une sorte d'avancement et laissait augurer au supporter de Bienville une vie plus confortable qu'en Louisiane, si d'Artaguiette avait déjà retrouvé en métropole ses fonctions de commissaire des classes, le conseil de Marine fut sans indulgence pour La Mothe-Cadillac.
On ignore si Bienville se réjouit de voir l'ex-gouverneur embarquer pour la France, avec toute sa famille mais sans ses effets, que le nouveau gouverneur avait fait saisir. L'orgueilleux et maladroit Gascon avait rédigé d'émouvantes suppliques pour attirer l'attention du duc d'Orléans sur ses services passés, ses charges de famille et surtout son manque de ressources. Il connut la réponse du Régent en débarquant en août 1717 à La Rochelle : cinq mois d'internement à la Bastille pour avoir dénigré ostensiblement la Louisiane et la compagnie de M. Crozat 9 !
1 D'après Saint-Simon, Lauzun figure dans les Caractères au chapitre de la cour, sous le nom de Straton.
2 De nos jours, les Louisianais usent souvent du mot piastre pour désigner le dollar. Cette appellation semble être un héritage de la période espagnole de la Louisiane, qui sera évoquée plus loin dans cet ouvrage.
3 Cité par François Jégou dans Histoire de Lorient , librairie Eugène Lafolye, Lorient 1887.
4 Il s'agit de Cap-Français, à Saint-Domingue, où les vaisseaux faisaient traditionnellement escale. Aujourd'hui : Cap-Haïtien.
5 Cité par Élise Marienstras dans la Résistance indienne aux États-Unis , collection Archives, Gallimard-Julliard, Paris, 1980.
6 Soit une superficie de quatre cents kilomètres carrés environ.
7 Après de longues marches et de nombreux démêlés avec les Indiens, Juchereau de Saint-Denys arriva, à la fin de 1714, au Mexique, où il connut pendant plusieurs années des fortunes et des aventures dignes d'un roman de cape et d'épée. Il finit par épouser doña María, la fille de don Pedro de Vilesca, commandant du Presidio del Norte, et ne regagna la Louisiane, avec sa famille, qu'en 1719.
8 Devenue Charleston en 1783.
9 La disgrâce de La Mothe-Cadillac fut de courte durée. Le Régent lui fit verser, jusqu'en 1718, ses appointements de gouverneur et lui reconnut, en 1719, la propriété des terres qu'il avait autrefois défrichées à Detroit. Il refusa toujours, en revanche, d'ériger ce domaine américain en marquisat, comme le demandait l'ancien gouverneur de Louisiane.
3.
De tout pour faire un peuple
D'un financier l'autre
Antoine Crozat appartenait à cette catégorie, assez moderne, des hommes d'affaires qui ne s'obstinent pas dans les entreprises déficitaires. Quand il fut persuadé, au commencement de l'été 1717, que la Louisiane ne constituerait jamais pour lui un domaine rentable, il décida de restituer à la Couronne de France les privilèges qu'elle lui avait accordés cinq ans plus tôt. Le bilan fourni par ses services expliquait sa démission. En acceptant la suzeraineté de la colonie, il comptait exploiter les mines de plomb, de fer et, peut-être, d'or dont certains vantaient l'existence. Ces mines restaient introuvables et le seul morceau de minerai de fer montré à l'agent de la Compagnie, à Mobile, venait d'on ne sait où et avait été offert aux Indiens Kaskaskia par des Espagnols ! Quant aux mines du pays des Sioux, qui avaient autrefois donné un peu de plomb à Le Sueur, elles étaient devenues inexploitables. Crozat avait aussi prévu de commercer avec les Espagnols de Nouvelle-Espagne et de Veracruz. Or on était sans nouvelles du démarcheur expédié au Mexique. Les informateurs itinérants racontaient tantôt que Juchereau de Saint-Denys avait été emprisonné, tantôt qu'ayant épousé la fille d'un dignitaire espagnol il coulait des jours heureux au service de Philippe V. Quand les représentants de Crozat en Louisiane avaient envoyé à Veracruz un bateau chargé de plus d'un million de livres de marchandises, les autorités s'étaient opposées à l'entrée du navire dans le port et la cargaison avait été perdue. Les Espagnols avaient d'ailleurs fait savoir qu'ils entendaient se réserver l'exclusivité du commerce dans leurs colonies. On ne
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